Par Bellevue et Mastenac

Un autre chemin, plus court que le précédent pour un voyageur venant de Beauchastel, doit aussi être mentionné vers Chalencon depuis la haute vallée de l’Eyrieux. Il permet de gagner Saint-Michel depuis Dunière sans passer par Les Ollières. Ce chemin quitte Dunière au niveau du hameau du Pont depuis lequel il s’élève sur la crête de Mastenac pour continuer par Bellevue ( 3019 ). L’existence de ce chemin a peut-être pu peser sur le choix de l’emplacement du pont de Dunière qui est exactement sur son parcours alors que la planche ayant vraisemblablement précédé cet ouvrage est cinq à six cents mètres plus au sud. En 1491, les terres du mas de Mastenac confrontent « de bise » à plusieurs reprises le chemin de Saint-Fortunat à Chalencon ( 3020 ). Après Bellevue, le chemin est encore ouvert et continu jusqu’à Saint-Michel-de-Chabrillanoux. Notons qu’à ce niveau, il sert de limite paroissiale entre Saint-Sauveur et Saint-Fortunat, signe de son ancienneté relative dans le Moyen Age. Ce sont donc deux chemins qui permettent de gagner Saint-Michel-de-Chabrillanoux puis au-delà Chalencon selon la direction d’où vient le voyageur. Arrivant de Beauchastel, il doit certainement passer par Mastenac, mais venant du sud, de Privas et Pranles, il est alors préférable pour lui de passer par Les Ollières.

A Chalencon, important centre de perception de péage dès le XIIIè siècle au moins ( 3021 ), la route rejoint celle venue de Valence et conduisant aux Nonières puis à Saint-Agrève et au-delà au Puy, ainsi que le rappelle la mention de la route allant « du Pont des Ollières aux Nonières » signalée en 1238 à Chalencon ( 3022 ).

Cet axe est l’un des plus importants des Boutières ainsi qu’en témoignent les nombreux péages qui se lèvent sur tout son parcours à la fin du Moyen Age. Nous en rencontrons à Beauchastel, Pierregourde, La Tourette et Chalencon, soit dans chaque mandement traversé. En outre, nous savons au travers d’une lettre patente royale de 1293 délivrée dans le cadre d’un conflit opposant le comte de Valentinois au seigneur de Mézilhac, que les muletiers et les marchands se rendant au Puy-en-Velay l’empruntent. A cette date, le comte de Valentinois entend même faire passer par Chalencon tout le trafic routier régional au détriment des autres seigneurs péagers qui sont à l’origine de la requête ( 3023 ).

Ce chemin ne se hisse toutefois pas au niveau de la grande route partant de Valence et passant ensuite à Chalencon et Saint-Agrève pour gagner le Puy qui est la route majeure à l’échelle de la région avec celle passant au sud des Boutières, par Privas et Mézilhac. Seuls ces deux axes sont dits à de nombreuses reprises « routes du Rhône au Puy », ou encore sont désignés comme des routes royales au XVè siècle, ce qui n’est pas le cas de la route de Beauchastel à Chalencon.

La route de la vallée de l’Eyrieux apparaît donc d’avantage comme un axe adjacent à la grande route de Valence au Puy par Chalencon, localité au niveau de laquelle elle amène un trafic issu du sud de la vallée du Rhône. Ceci évite ainsi au voyageur de remonter le fleuve jusqu’à Valence, ce qui allongerait son parcours de 30 à 40 kilomètres.

En ce qui concerne les origines de cette route, il est difficile d’apporter des éléments assurés, aucun chartrier ou cartulaire n’éclairant l’histoire de la région avant le milieu du XIIIè siècle.

On ne peut toutefois que constater la faiblesse extrême de l’occupation antique dans la vallée de l’Eyrieux où aucun site n’a été découvert au-delà de Saint-Fortunat et où seul le pont de Pontpierre peut prétendre à une origine antique. Cet ouvrage n’est toutefois pas sur notre axe et permet seulement à la voie d’Antonin le Pieux de traverser l’Eyrieux ( 3024 ).

Durant la majeure partie du haut Moyen Age, rien ne nous permet non plus d’affirmer que la vallée de l’Eyrieux ait été peuplée très en amont, à l’intérieur du Vivarais, seule sa partie basse en aval de Saint-Fortunat apparaissant occupée, dans les secteurs déjà mis en valeur dès l’Antiquité. Il faut vraisemblablement attendre les IXè et Xè siècles pour que la mise en valeur de la haute vallée de l’Eyrieux d’abord, puis de ses affluents se fasse significative ( 3025 ). Il est dans ces conditions peu probable qu’une route ait existé dès avant le Xè siècle, traversant une région inhospitalière de par l’altitude de ses sommets et de par son relief asserré, en l’absence d’un peuplement significatif.

Notes
3019.

) Les Ollières, cadastre de 1812, section B de la Traverse.

3020.

) AD 07, C 196, f°554.

3021.

) Sur le péage de Chalencon, cf. t. I, annexe n°13..

3022.

) AD 07, 23J 3, f°22.

3023.

) AD 07, 3J 23, pièce n° 3, folio 5v°.

3024.

) Cf. t. I, p. 373-374.

3025.

) Laffont (P.-Y.): Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, X è -XIII è siècles, op. cit., vol. I, p. 118.