Au niveau d’Aubenas, un autre axe se sépare de la route de Viviers au Puy et gagne le plateau vivarois en cheminant autour de la vallée de la Volane depuis son confluent avec l’Ardèche à Vals jusqu’à sa source non loin de Mézilhac.
La route quitte Aubenas en suivant le même tracé que celle conduisant à Pradelles. Ce n’est qu’au niveau de la rivière de Mercoiret, après Pont Gibaud, que les deux tracés divergent. Peu après Pont Gibaud, une terre reconnue en 1501 à la grange du Cheylard, dépendance de l’abbaye de Mazan, confronte l’itinere quo itur de portu Vallis apud Albenacium ( 3537 ). Le même terrier renferme aussi une reconnaissance pour une terre située au quartier de Lautaret ( 3538 ) confrontant la route d’Aubenas à Vals. Plus loin, au quartier de Bauzène, l’itinere quo itur de Albenacio versus navigium Vallis confronte encore une terre en 1501 ( 3539 ). Juste avant de traverser l’Ardèche, la route nous est encore signalée en 1501 à la Béguda Alba, actuellement Labégude-de-Vals ( 3540 ). Aucun pont n’existait là au Moyen Age, le premier ayant été construit XVIIIè siècle ( 3541 ), mais le passage se faisait grâce à un bac mentionné dès 1313 ( 3542 ). Notons toutefois que le pont d’Aubenas n’est pas éloigné. Construit à la fin du XIIIè siècle, il a dû dès lors largement suppléer au bac, au moins pendant les périodes de hautes eaux. Le toponyme « Le Bateau » conserve encore le souvenir de l’emplacement de ce bac juste en amont du pont actuel ( 3543 ). Il est à noter que la section Aubenas - Vals de la route d’Aubenas à Mézilhac est aussi empruntée par des personnes se rendant à Montpezat et traversant l’Ardèche au bac de Vals, ce qui fait qu’elle est parfois désignée sous le nom de route d’Aubenas à Montpezat, comme en 1501 lorsqu’elle confronte une terre de l’abbaye de Mazan située au quartier de Bauzène ( 3544 ).
A partir de Vals, la vallée de la Volane sert de guide à la route, son profil très encaissé ne lui permettant pas de s’écarter largement de la rivière. Elle passe en rive droite de la Volane par les hameaux de la Javarde et de Combelle. A ce niveau, il lui faut traverser la Besorgue, affluent de la Volane, qui lui barre le passage. Aucun pont n’est toutefois attesté dans la documentation médiévale consultée, mais l’ouvrage actuel, bien que difficilement datable avec certitude, peut évoquer une construction du XVè ou du XVIè siècle ( 3545 ).
En amont, la vallée de la Volane se resserre encore et se présente comme une entaille étroite de 200 mètres de profondeur où la route est véritablement prisonnière jusqu’à Antraigues. On peut la suivre au bord de la rivière par la Garde, qui marque probablement l’entrée dans le mandement d’Asperjoc, et par le Gleysal ( 3546 ), où elle ne figure plus au cadastre que comme une limite parcellaire. Au niveau du Rigaudel ( 3547 ), la configuration de la vallée ne permet plus de passer en fond de vallée ce qui impose à la route de s’élever sur le versant ouest de celle-ci par le hameau du Fau, puis par la Vaisseyre. Seul le chemin du XVIIIè siècle a été tracé au bord de la Volane au prix de travaux considérables, les deux axes, ancien et nouveau, se distinguant ainsi nettement sur le cadastre ( 3548 ).
Pour gagner Antraigues, où elle est mentionnée en 1464 ( 3549 ), et continuer vers Mézilhac, la route doit traverser la Volane par un pont situé au droit d’Antraigues, existant depuis 1288 au moins ( 3550 ). Jean Régné propose que cet ouvrage mentionné en 1288 soit le pont de l’Huile, par lequel passe la route du XVIIIè siècle ( 3551 ). Néanmoins, il nous semble plus juste de l’identifier comme étant le pont de la Tourasse, situé une centaine de mètre en aval du premier. Sur le plan parcellaire de 1761, la descente vers le pont de la Tourasse porte le nom évocateur d’Eschalier, que l’on retrouve dès 1302 lorsqu’une vigne de Guillaume Fabre est située à l’Escaleri ou qu’en 1413, il est question du « chemin de l’Eschalier » ( 3552 ). Le pont de l’Huile existe toutefois dès 1356 au moins, puis il est encore mentionné en 1373 et 1415 ( 3553 ). Néanmoins, il porte alors le nom de pont de Volane et ne livre pas le passage à la route d’Aubenas, mais à celle conduisant d’Antraigues à Aizac. Ce n’est que l’aménagement de l’itinéraire pour le roulage au XVIIIè siècle qui détournera la route par le Pont de l’Huile, les charrois ne pouvant ni emprunter le pont de la Tourasse trop étroit, ni gravir la rampe qui le sépare d’Antraigues, celle-ci étant trop pentue. En outre, il est net que le chemin initial ne conduit pas au pont de l’Huile, mais à celui de la Tourasse, scellant ainsi l’antériorité du point de passage ( 3554 ).
Un péage se perçoit peut-être dans le mandement du château d’Antraigues. Néanmoins, la documentation concernant ce château est très réduite et peu claire. En 1278 Aymar de Poitiers, comte de Valentinois, et Pons de Montlaur transigent au sujet de divers droits dont le fief du château d’Antraigues. Les arbitres choisis décident que Pons de Montlaur et ses successeurs tiendront le château d’Antraigues en fief du comte de Valentinois, la route qui traverse le mandement d’Antraigues restant pour sa part au comte ( 3555 ). L’existence de ce droit particulier s’appliquant à la route implique probablement la présence d’un péage que le comte de Valentinois n’étend pas inféoder en même temps que le château. En outre, strata est au singulier dans l’acte, impliquant qu’il n’y en a qu’une seule importante dans le mandement, celle de Vals à Mézilhac que nous suivons.
) AD 07, 3H 3, f°2v°.
) Ibidem, f°3v°.
) Ibidem, f°6.
) Ibidem, f°12.
) AD 07, C 826.
) AD 07, 19J 1.
Vals, cadastre de 1837, section E1 dite d’Eschandol.
) AD 07, 3H 3, f°8v°.
) Il s’agit d’un pont à arche unique, en plein cintre, de large ouverture, appuyé sur des culées massives qui s’apparente, en beaucoup plus modeste toutefois, au pont du Doux de Tournon, bien daté, ou encore à celui de Coux, sur l’Ouvèze. Aucun élément ne s’oppose absolument à une datation médiévale de l’ouvrage, ni la forme des arches, ni l’appareillage, ni le parti technique retenu, mais a contrario, aucun ne vient non plus la confirmer assurément. Nous préférons donc rester prudent et retenir simplement que ce pont est éventuellement tardi-médiéval mais sans certitude.
) Asperjoc, cadastre de 1844, section C dite de l’Eglise.
) Asperjoc, cadastre de 1844, section D3 dite de Combes.
) Antraigues, cadastre de 1844, section F dite du Fraysse.
) AD 07, C 599, f°94.
) Chevalier (U.) : Regeste Dauphinois, op. cit., n°13288.
) Régné (J.) : Regeste Vivarois, op. cit., n°203.
) AD 07, non côté, plan parcellaire d’Antraigues de 1761 portant des reconnaissances depuis 1302.
) Ibidem.
) Antraigues, cadastre de 1844, section F dite du Fraysse.
AD 38 B 3537 et AD 07, C 196, f°47.