b- De Thueyts à Pradelles

Au-delà, la route se sépare en deux branches parallèles. L’une reste au fond de la vallée et passe par Mayres alors que l’autre s’élève en direction des crêtes de Chaumiène.

Par Mayres

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Carte n°143

Après Thueyts, la route actuelle suit un axe rectiligne, éloigné de l’Ardèche, qui a imposé la construction de nombreux ponceaux sur les affluents de l’Ardèche. Le tracé ancien passe au contraire au plus près de l’Ardèche, ce qui ne lui évite certes pas les traversées des affluents, mais qui permet néanmoins un passage en terrain plat et stable. La différence des deux tracés est nettement identifiable à partir du ruisseau de Léoune : le tracé issu du Moyen Age portant le nom « d’ancien chemin », alors que la nouvelle route du XVIIIè siècle est dite « route royale ( 3599 ). Après Chaudon, la route arrive à Bruc, où se situe un autre poste de perception du péage de Chadenac ( 3600 ). Le hameau de Bruc est, en effet, pratiquement en limite des mandements de Mayres et de Chadenac.

En fond de vallée, la route continue vers Mayres où elle est mentionnée en 1372 ( 3601 ). Pour y arriver, elle doit néanmoins traverser l’Ardèche au niveau de Barnas sur un pont attesté dès 1374 ( 3602 ), puis le cadastre permet de la situer en rive sud de l’Ardèche par les lieux-dits de la Motte et du mas de Garry ( 3603 ). Le tracé de la route dans la traversée de Mayres est très net. D’une part, le passage de l’axe est clairement mentionné à l’entrée est du village dans une reconnaissances de l’année 1336 en faveur du seigneur de Montlaur ( 3604 ) et, d’autre part, le centre de Mayres est certainement l’un des plus caractéristique village - rue que l’on puisse rencontrer en Vivarais ( 3605 ).

Un péage se lève dès le XIIIè siècle au moins dans l’étendue du mandement de Mayres, néanmoins ce château est très excentré par rapport au passage de la route médiévale ce qui impose la présence d’au moins un poste de perception ( 3606 ). Malgré la documentation relativement abondante concernant ce péage, nous n’avons pu le localiser, mais il est très probable qu’il devait se situer au village de Mayres qui se trouve en position de contrôler sans difficulté toutes les circulations empruntant la route.

Après Mayres, la route apparaît à plusieurs reprises dans des reconnaissances rendues au seigneur de Montlaur par ses tenanciers du mandement de Mayres en 1336. Dès la sortie du village, elle traverse l’Ardèche, sans qu’aucun pont ne soit toutefois mentionné, pour passer au quartier du Chambon où des terres de Guilhem Monerii, de Mayres, confrontent d’une part l’itinere quo itur de Sancto Martino versus Pratellarum et de l’autre l’itinere quo itur versus castrum ( 3607 ). Ce dernier, qui au Moyen Age ne conduisait qu’au château, est devenu au XVIIIè siècle la grande route royale après son prolongement jusqu’au col de la Chavade. En effet, l’actuelle R.N. 102 n’est qu’une création des années 1760-1780 ayant imposé des travaux considérables et de multiples ouvrages d’art : trente-deux ponts au total pour moins de dix kilomètres de tracé ( 3608 ).

La route médiévale suivait au contraire encore le fond de la vallée de l’Ardèche par la rive gauche. Toujours en 1336, l’itinere quo itur de Sancti Martini versus Pratellarum est ainsi mentionné, aux hameaux de Aleyrac ( 3609 ), puis de Sédassier ( 3610 ) et enfin à Astet ( 3611 ). Un chemin vicinal relie encore tous ces hameaux entre eux et il est difficile de concevoir qu’un autre axe ait pu exister à ce niveau au Moyen Age, tant la vallée se resserre, ses versants devenant très abrupts. Ce chemin est en outre dit « Chemin de Pradelles » au XIXè siècle par opposition à la route royale de création nouvelle.

A Astet même, la toponymie rappelle à plusieurs reprise le passage de la route. Ainsi, en 1336, une terre tenue par Pierre Berguerii est située au lieu-dit de la Via et une autre se trouve au quartier du Malpas ( 3612 ). Le cadastre ne permet pas de situer ces deux toponymes avec précision, mais nous savons par le texte de la reconnaissance qu’ils se trouvent immédiatement à l’ouest d’Astet, en bordure de l’Ardèche que la route suit donc. Après Astet, le chemin se poursuit par le lieu-dit de Garda, identifiable avec le quartier actuel de la Gardette ( 3613 ), où la route confronte une terre elle aussi reconnue en 1336 ( 3614 ). Au delà, elle est encore mentionnée d’Al Serre ( 3615 ). Ensuite, la route passe ad pede de la cota de la Chabana, versus aquam Ardechie, ladite Côte de la Chavade lui permettant de déboucher sur le plateau vivarois au prix d’une très rude ascension. Entre Astet et La Chavade, ce sont plus de 450 mètres de dénivelé qui sont gravis en cinq à six kilomètres de cheminement tout au plus !

Au-delà du col de la Chavade, la route entre dans les domaines de l’abbaye de Mazan implantée quelques kilomètres plus au nord seulement. Le chartrier de cet établissement nous a fourni plusieurs documents et surtout deux plans permettant de situer le tracé de la route. En 1283, Pons, seigneur de Montlaur et de Mayres, cède à Falcon, abbé de Mazan, de nombreux droits et territoires, dont les limitent passent par la planchiam de La Vialata sur laquelle passe la stratam qua itur de Mayres versus Pratellas ( 3616 ). La dite planche de Lavilatte est aussi mentionnée en 1307 date à laquelle elle sert de limite aux dîmes du mas de Montalafia qui est alors borné ( 3617 ). Le premier plan, datant de 1670, concerne un litige ayant éclaté au sujet de la possession du bois de la Suchère, au sud de Lanarce, et présente très succinctement les lieux autour de la route ( 3618 ). En 1704, un second plan est dressé, beaucoup plus précis et à une échelle plus large, représentant l’ensemble du secteur qui va de la Chavade à Lavilatte ( 3619 ). Sur ces plans, « l’estrade que va de Maires à Pradelles » relie « La Chevade » à « Planche de Lavilatte » par le nord du hameau de « Peiremont », en longeant le bois de Suchère dont elle constitue la limite sud comme le laisse comprendre la cession de 1283 déjà évoquée.

Après la planche de Lavilatte, sur la dizaine de kilomètres qui la sépare de Pradelles, le tracé est encore nettement lisible sur le cadastre. La route traverse Lavilatte et se poursuit par le hameau de Combe jusqu’au lieu-dit du Carrefour de la Croix de Pause ( 3620 ) après lequel elle se rattache au chemin de Régordane venu de Nîmes, à l’entrée même de Pradelles. Dans la traversée de la commune de Lavilatte, la route médiévale est dite « chemin de Pradelles à Lavilatte » par opposition à celui qui rejoint la route du XVIIIè siècle et qui est dit « route de Lavilatte à Pradelles » ( 3621 ).

Notes
3599.

) Thueyts, cadastre de 1838, sections E4 dite de Thueyts, D3 dite de Chaudon et B2 dite de Saint-Théoffrède.

3600.

) Cf t. I, annexe n°13.

3601.

) AD 07, 19J 87.

3602.

) AD 07, 2E 32, f°77.

3603.

) Mayres, cadastre de 1838, section E1 dite du Rocher d’Abraham.

3604.

) AD 07, 42J 342, f°76.

3605.

) Mayres, cadastre de1838, section F2 dite de Saint-Martin.

3606.

) Cf. t. I, annexe n°13.

3607.

) AD 07, 42J 342, f°25.

3608.

) Laganier (R.) : « La liaison du sud-est au plateau central, par la Côte de Mayres et La Chavade », art. cité. p. 366-372. L’auteur, ingénieur des Ponts-et-Chaussées, après une présentation des tracés antiques et médiévaux empruntée à des ouvrages d’érudition peu sûrs ou vieillis, y détaille avec précision les travaux effectués pour ouvrir une liaison routière roulable du Languedoc au Velay.

3609.

) AD 07, 42J 342, f°61.

3610.

) Ibidem, f°13.

3611.

) Ibidem, f°5.

3612.

) Ibidem, f°9.

3613.

) Mayres, cadastre de 1838, section A8 dite de la Chavade.

3614.

) AD 07, 42J 342, f°2.

3615.

) Ibidem, f°2v°.

3616.

) AD 07, 3H 1, f°63v° et ss.

3617.

) AD 07, 52J 56, f°54.

3618.

) AD 07, 3H 9.

3619.

) Ibidem.

3620.

) Lavilatte, cadastre de 1828, section B3 dite de Lavilatte.

3621.

) Lavilatte, cadastre de 1828, tableau d’assemblage.