c- De Lagorce à Barjac

A partir de Lagorce, la route venue de Villeneuve-de-Berg et celle d’Aubenas se confondent. De Lagorce à Vallon, le chemin suit un tracé globalement parallèle à la R.D. 1. mais décalé vers l’ouest de quelques centaines de mètres. Il figure au cadastre napoléonien sous le nom redondant de « ancien chemin de Lagorce à Vallon dit chemin vieux » ( 3886 ). On peut le suivre par Peyrousse, Paraloup, Sigaud et le mas de Sauvan, sa continuité étant encore préservée de nos jours. Au niveau du Fesc, il passe au très symbolique lieu-dit de la « Serre des Fourches », à la limite des juridictions de Lagorce et de Vallon ( 3887 ). A Vallon, la route dessert le centre paroissial de Saint-Saturnin ( 3888 ), et non le castrum situé plus à l’est, sur une hauteur proche des gorges de l’Ardèche.

Au-delà de Vallon, la route continue vers le sud jusqu’au bord de l’Ardèche, puis la traverse pour atteindre Salavas où elle est mentionnée en 1424 ( 3889 ). Aucun pont n’en permet la traversée, mais elle est guéable sans difficulté par la chaussée du moulin de Salavas existant dès le XVè siècle au moins ( 3890 ), alors qu’un bac assure le passage lorsque les eaux sont plus hautes. Mentionné sous le nom du « Port » à plusieurs reprises au début du XVè siècle ( 3891 ), le toponyme s’est perpétué jusqu’à nos jours ce qui permet de le localiser sans difficulté. En rive droite, le chemin conduisant au bac porte en 1825 le nom évocateur de « chemin du Batelas » ( 3892 ).

Au niveau de Vallon, la route de Villeneuve retrouve la voie d’Antonin-le-Pieux qui a suivi le cours de l’Ardèche en contournant le massif des Gras par l’ouest. Cette dernière, bien identifiée traverse l’Ardèche au niveau du gué de Chauvieux ( 3893 ) et se poursuit en direction de Barjac par Vagnas, là encore jalonnée de plusieurs milliaires. Le tracé médiéval de la route d’Aubenas à l’Uzège se confond alors avec celui de la voie d’Antonin-le-Pieux. Un fois franchie l’Ardèche, le premier milliaire, le n°XXX, se trouve à Salavas, non loin du groupe ecclésial paléochrétien Saint-Julien et Saint-Jean de la Gleizasse ( 3894 ). Au-delà de Salavas, la route est nettement identifiable sur le cadastre passant par les lieux-dits de la Tuillière ( 3895 ) puis de la Vialette ( 3896 ). Après la Vialette, la route actuelle marque un net virage vers l’est alors que plusieurs limites de parcelles indiquent probablement le tracé ancien jusqu’au lieu-dit de Sauvasse ( 3897 ). Peu avant Vagnas, se trouve encore le milliaire n°XXXI de la voie d’Antonin, qui a été christianisé à une époque indéterminée par l’implantation d’une croix. Il est aujourd’hui connu sous le nom de Pierre Plantée ou de « Croix de Vagnas ». En 1196, la strata qui va de Salavas à Barjac passe devant la « Croix de Vagnas » qui semble correspondre au milliaire n°XXXI déjà pourvu de sa croix ( 3898 ). Ensuite, la route ne passe pas dans Vagnas même, mais ignore le village en continuant droit par le quartier de Lestrade ( 3899 ). Au-delà du pont de Vagnas, qui n’est semble-t-il pas mentionné dans la documentation médiévale, la route entre en Uzège. Le tracé antique encore utilisé jusqu’au XVIIIè siècle ne suit pas le même axe que l’actuelle R.D. 979 : le chemin ancien passe plus à l’est, par le Brugas, non loin du point où se trouve le dernier milliaire Helvien connu, le n°XXXIII. Après ce milliaire, la route s’oriente vers l’ouest pour contourner Barjac par le quartier de Malhac, centre de la paroisse Saint-Laurent. Seul un court chemin relie alors Malhac à Barjac, bourgade qui n’est pas directement située sur l’axe principal.

Au-delà, la route sort de notre domaine d’étude et suivre son tracé avec précision n’est plus notre propos. Signalons toutefois qu’à partir de Barjac, le voyageur peut partir dans plusieurs directions après avoir acquitté le péage du lieu ( 3900 ).

Il peut d’une part continuer vers Alès, ainsi que l’indique le tarif du péage et de la leude de cette ville de 1412 ( 3901 ), en passant par Saint-Jean-de-Maruéjols et Rochegude, où se prélèvent des péages en faveur du Roi, de l’évêque d’Uzès et du seigneur de Portes qui sont l’objet d’un litige en 1404 ( 3902 ).

La possibilité s’offre également à lui de partir vers Uzès et Nîmes en empruntant un tracé proche de celui de la voie d’Antonin par Avéjan, Tharaux, la Lègue, Malataverne et Lussan ( 3903 ).

Dernière possibilité, il coupe à Barjac la route de Pont-Saint-Esprit et de Bagnols-sur-Cèze aux Cévennes vivaroises qui le conduit d’un côté à la vallée du Rhône, et de l’autre vers le Velay et le Gévaudan.

Cet axe, qui aujourd’hui n’existe plus (route de Villeneuve à Lagorce) ou n’est plus qu’une route départementale secondaire (de Rochecolombe à Vallon), n’est pas au Moyen Age un chemin d’une très grande importance. Depuis Aubenas, la route principale pour rejoindre l’Uzège, et au-delà Nîmes, passe au pied des Cévennes par Joyeuse et Alès et non par Vallon. Aussi, de ce point de vue, avons-nous à faire à un axe participant essentiellement au désenclavement du coeur des plateaux calcaires du Bas-Vivarais plus qu’à un axe interrégional. La branche venue de Villeneuve connaît peut-être un développement supérieur du fait de la présence de la cour bailliagière dans cette bastide. En effet, la route de Lagorce constitue le chemin le plus court pour gagner le sud du Languedoc et les centres politiques, judiciaires et administratifs de Nîmes, Montpellier et Toulouse en s’épargnant un détour par la vallée du Rhône. Néanmoins, il ne faut certainement pas surestimer les voyages induits dans cette direction par des institutions encore peu centralisées et aux services souvent embryonnaires à la fin du Moyen Age.

Notes
3886.

) Lagorce, cadastre de 1825, section F1 dite de Tabias.

3887.

) La limite des communes actuelles de Lagorce et de Vallon correspond exactement à celle des anciens mandements de Lagorce et de Vallon de même qu’à celle des paroisses. Cf. Brechon (F.) : Economie et société dans deux paroisses rurales du Bas-Vivarais au début du XVè siècle, l’exemple de Vallon et de Lagorce vu au travers des archives notariales et des terriers, op. cit., p. 211.

3888.

) Vallon, cadastre de 1825, section C2 dite du VIllage.

3889.

) AD 07, 1J 310, f°2.

3890.

) AD 07, 2E 11687, f°51.

3891.

) AD 07, 2E 11691, cahier 3, f°24.

3892.

) Salavas, cadastre de 1825, tableau d’assemblage.

3893.

) Rébuffat (R.), Napoli (J.) : Visite à la voie romaine des Helviens, op. cit., p. 18.

3894.

) Helmling (R.) : « Les vieilles église de Salavas », art. cité, p. 10-15 et « Les anciennes églises de Salavas », art. cité, p. 113-118.

3895.

) Salavas, cadastre de 1825, section B1 dite des Bruyères.

3896.

) Salavas, cadastre de 1825, section B2 dite des Bruyères.

3897.

) Vagnas, cadastre de 1825, section B de la Truillière.

3898.

) AD 13, 56 H 5245.

3899.

) Vagnas, cadastre de 1825, section D2 dite de Chaneaud.

3900.

) Comby (M.-Ch.) : « Quand les moutons de l’Hôtel-Dieu hivernaient en Provence », art. cité, p. 115-116.

3901.

) AD 43, C 163, pièce 23.

3902.

) AD 30, A 1, f°266.

3903.

) Rébuffat (R.) et Napoli (J.) : Visite à la voie romaine des Helviens, op. cit., p. 19 et 68.