1.2. Théorie et champ expérimental

Il est important de revenir sur l’idée que c’est le cadre théorique dominant à une époque donnée qui détermine les paramètres que le physicien tiendra pour significatifs dans la description qu’il fera d’une expérience. Kuhn (1970, p. 174) donne l’exemple suivant :

‘« Contemplant une pierre qui tombait, Aristote y voyait un changement d’état plutôt qu’un processus. Pour lui les mesures importantes dans un mouvement étaient donc la distance totale parcourue et le temps total écoulé, paramètres qui nous fournissent maintenant ce que nous appellerions non la vitesse mais la vitesse moyenne. De même, la pierre étant contrainte par sa nature d’atteindre son point final de repos, au cours de son mouvement Aristote voyait à tout moment comme paramètre pertinent la distance vers le point final plutôt qu’à partir de l’origine du mouvement. Ces paramètres conceptuels sous-tendent la plupart de ses « lois du mouvement » et leur donnent leur sens. » .’

Quelques pages plus loin, Kuhn (parlant du pendule simple) insiste sur l’échec des tentatives visant à construire un langage de description de la réalité objective qui soit indépendant d’un paradigme préexistant, et qui fournirait une base de faits bruts et neutres que les théories n’auraient qu’à interpréter :

‘« L’homme de science qui regarde une pierre qui se balance ne peut avoir là une expérience qui, en principe, soit plus élémentaire que la vision d’un pendule. L’autre possibilité n’est pas une quelconque et hypothétique vision « fixe », mais une vision imposée par un autre paradigme, qui, celui-ci, fera de la pierre qui se balance quelque chose d’autre [qu’un pendule]1. » (1970, p. 179).’
Notes
1.

C’est nous qui complétons.