1.5 Les quatre opérations de la modélisation

Comment construit-on un modèle à partir d’une réalité expérimentale ? On peut décrire ce processus de modélisation par quatre ensembles de choix.

Ces quatre opérations se déroulent sous le contrôle de la théorie du domaine considéré, ce que le schéma ci-dessous (figure 1) représente.

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Figure 01 : élaboration d’un modèle en physique

Cette description de la modélisation est légèrement différente de celle produite par Chevallard (1989, p. 53), mais compatible avec elle. En effet Chevallard propose les trois étapes suivantes :

On voit bien que la première étape de Chevallard regroupe les trois premières opérations (le choix de la théorie applicable étant fortement implicite), c’est-à-dire ce que nous avons appelé la sémantique du modèle, alors que la deuxième étape, qui pour Chevallard construit « à proprement parler » le modèle, n’est autre que l’élaboration de la syntaxe. Sa troisième étape ne porte pas sur la construction du modèle, mais sur son utilisation.

Il est par ailleurs clair que notre première définition correspond plus au contexte de la didactique de la physique que celle de Chevallard, didacticien des mathématiques, sur trois points :

Remarquons par ailleurs que l’ordre introduit dans les opérations susdites, aussi bien dans notre première énonciation que dans la citation de Chevallard, ne peut être qu’un ordre d’exposition : dans la réalité du processus de modélisation, les allers-et-retours sont incessants entre les différentes « étapes », chaque aller-retour améliorant la pertinence du modèle.

Walliser (1977, pp.156-157) introduit un point de vue un peu plus général. Il décrit ce qu’il appelle la « dynamique de la modélisation » comme un cycle d’opérations qui mettent en relation trois niveaux (champ théorique, modèle, champ empirique) et qui peuvent suivant les cas être initiées à partir de n’importe lequel de ces niveaux (alors que dans les deux explications précédentes on part de ce qu’il appellerait le champ empirique). Cette dynamique peut être représentée par le diagramme suivant (figure 2) :

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Figure 02 :la dynamique de la modélisation selon Walliser

L’intérêt de cette « dynamique de la modélisation » est de marquer la différence de statut qui peut exister entre un modèle dont on se sert pour interpréter une réalité matérielle, et dont on peut dire qu’il est assez « confirmé » pour qu’on s’appuie sur lui, et un modèle « hypothétique » qu’on veut vérifier en effectuant à partir de lui une prévision qu’on cherchera à valider dans le réel. Au besoin nous utiliserons cette distinction. Il nous semble par ailleurs qu’un modèle plus théorique (au sens de Walliser donné plus haut) que le modèle confirmé/hypothétique peut jouer le rôle du champ théorique dans cette dynamique.

Notes
2.

Le terme « champ » implique une construction, à la différence du mot « monde » qui connote un donné extérieur. L’individu est devant le monde des objets, il se construit un champ expérimental. De même au niveau de la théorie, l’expression « champ théorique » impliquera que dans la variété des théories possibles, l’individu choisit les éléments qui s’appliquent au problème qu’il veut traiter.