3.1 La théorie de l’élève

Cette dénomination vise à maintenir un parallélisme entre cet ensemble de connaissances de natures différentes que l’élève tire de son expérience antérieure, et la théorie d’un domaine de la physique. Cependant il y a de nettes différences. Des deux caractéristiques énoncées plus haut pour la théorie de la physique, la cohérence et l’applicabilité à une classe de situations, la plus valide pour la théorie de l’élève est la seconde : la théorie de l’élève est constituée d’éléments cognitifs stables (Niedderer & Schecker, 1992) et reconnus comme tels par l’élève. Ces éléments stables peuvent être de natures variées :

  • un système explicatif, qui contient des modes de raisonnement que l’élève a tendance à utiliser fréquemment ; la causalité est très souvent utilisée, voir par exemple Viennot (1993) ou Tiberghien (1994) ; Lacroix (1996) parle également de réification et de la construction de couples antinomiques ; Viennot (1996) emploie le concept de matérialisation ;

  • des éléments de théorie de la physique incorporés, éventuellement déformés, au cours des apprentissages antérieurs ;

  • ce que Lacroix (1996) appelle des ’phénomènes primitifs’, croyances acquises empiriquement et renforcées par l’observation de certains phénomènes ; certaines conditions d’apparition de ces phénomènes sont connues des élèves, ils peuvent servir à en expliquer d’autres sans avoir eux-mêmes besoin d’être expliqués ; il donne l’exemple de la visibilité des objets ; Vosniadou et Brewer (1994) emploient le terme ’presuppositions’ et donnent comme exemple ’les objets sans supports tombent’ ;

  • les modèles de champs proches, ou qui paraissent tels à l’élève ; l’exemple fourni par Vosniadou et Brewer (1994) montre comment les croyances sur la forme de la Terre influencent les explications que les élèves peuvent donner de l’alternance jour/nuit : si on croit que la Terre est plate et infinie, on ne dispose pour expliquer l’alternance jour/nuit que du mouvement par rapport à cette Terre de deux corps célestes, le soleil et la lune ; alors que si la Terre est reconnue comme une planète mobile, on dispose de trois corps équivalents en mouvement.