Cela rejoint l’article de Vosniadou et Brewer déjà cité (1994). Dès les premières pages (p.125) les auteurs précisent en quel sens ils emploient le terme ’ modèle mental ’ de l’élève :
‘’We use the term mental model to denote a particular kind of mental representation which has the following characteristics : (a) its structure is analog to the states of the world that it represents ; (b) it can be manipulated mentally [...] to make predictions about the outcomes of causal states in the world ; and (c) it provides explanations of physical phenomena. We further assume that mental models are dynamic structures which are usually created on the spot to meet the demand of specific problem-solving situations 3. This does not exclude the possibility that some models, or parts of them, which have been proven useful in the past, are stored as separate structures and retrieved from memory when needed. ’’Comment sont créés les modèles mentaux de l’élève ? Ils émergent des connaissances et modes de raisonnement préexistant, et en retour ils exercent une contrainte sur l’apprentissage réalisé, sur l’acquisition de nouvelles connaissances. Suivant donc l’état de ses connaissances, un élève construira des modèles mentaux de natures différentes, ou que Vosniadou et Brewer s’efforcent de distinguer en fonction de leur proximité aux modèles scientifiquement corrects :
les modèles initiaux sont les plus primitifs, et ils reposent sur des interprétations des faits qu’on peut exclusivement dériver d’observations de la vie courante : un modèle initial possible pour la forme de la Terre est qu’elle est plate, posée sur le sol et immobile ; un modèle initial pour l’alternance jour/nuit qui peut être cohérent avec le modèle d’une Terre plate (et avec un modèle du Soleil où celui-ci est capable de se déplacer dans l’espace) est que le Soleil se cache derrière une montagne pendant la nuit (op. cit. p. 132) ;
à un moment ou à un autre, l’apprenant est forcément mis en contact avec une information scientifique : il aura par exemple vu à la télévision la Terre ronde se détachant dans l’espace sur une vue satellite. Son modèle initial va être invalidé, sans pour autant qu’il acquière du premier coup une conception correcte sur l’alternance jour/nuit. Il construira alors un modèle intermédiaire, que les auteurs appellent ’synthetic model’ parce qu’il réalise une certaine synthèse entre le modèle initial et le modèle scientifique ; par exemple un modèle synthétique compatible avec une Terre ronde et un Soleil mobile pourrait expliquer l’alternance jour/nuit par la rotation du Soleil autour de la Terre(op. cit. p. 132).
Qu’est-ce qui fait qu’un apprenant construit un modèle particulier plutôt qu’un autre ? Quels sont les critères qui feront qu’un élève accordera une certaine confiance à un modèle qu’il vient de contruire pour expliquer une situation ou pour agir sur elle ? Vosniadou et Brewer (1994, pp. 134-135 et 175-178) proposent trois critères, qu’ils reprennent d’ailleurs de critères énoncés par Kuhn pour la pertinence d’une théorie scientifique : l’exactitude (’accuracy’ : le fait que les prédictions de la théorie seront vérifiées par l’expérience) ; la cohérence (’logical consistency’ : l’explication n’emploie pas deux arguments contradictoires) ; la simplicité (’simplicity’ : la tendance à utiliser le même mécanisme aussi souvent qu’il semble applicable).
Quant à Gilbert et Boulter (1998, p. 56) ils proposent de distinguer entre :
modèles mentaux : ‘« personal, private, representations of a target »’
modèles exprimés : ‘« which are expressed by an individual through action, speech or writing »’
modèles de consensus ‘: « expressed models which have been subjected to testing by a social group, such as ones drawn from the science community, and which have been agreed by some as having some merit »’
modèles enseignés : ‘« specially-constructed models used to aid the understanding of a consensus model »’
La distinction entre modèles de consensus et modèles enseignés ne fait que recouper la transposition didactique nécessairement à l’oeuvre dans chaque enseignement. La distinction entre modèle mental et modèle exprimé, elle, a l’intérêt de rappeler que le didacticien n’a accès qu’à des modèles exprimés, et qu’il reconstruit des modèles mentaux qu’il attribue aux élèves qu’il étudie ; encore faut-il ajouter qu’un modèle exprimé par l’action n’est guère explicite en général.
C’est nous qui soulignons