4.1 Une tentative de solution : le modèle matérialisé

Si on fait l’analyse que la différence entre les deux niveaux de modélisation est trop importante, il peut sembler logique de diviser le grand pas que les élèves doivent franchir en deux ou trois pas plus petits, donc d’introduire un niveau intermédiaire. Ce niveau intermédiaire devra tenir un peu des deux niveaux : ce sera une représentation du modèle, mais elle aura un aspect matériel, réifié. D’où l’idée de constituer un « modèle matérialisé », qui soit une représentation du modèle de la physique qu’on souhaite voir mis en oeuvre par les élèves, mais une représentation sensible et non conceptuelle, et même dans certains cas une représentation sur laquelle ils puissent agir.

C’est en ces termes de « modèle matérialisé » que Quintana-Robles (1997) analyse l’influence sur l’apprentissage réalisé par les élèves d’une simulation filmée du modèle particulaire et de la détente des gaz. Elle définit le modèle matérialisé comme

‘« un groupement de correspondances analogiques entre un objet théorique et un objet fabriqué ... Le modèle matérialisé est plus facilement manipulable que l’objet étudié, dans notre cas le modèle particulaire. En effet, grâce à son fonctionnement et au jeu des opérations qu’il permet, il conduit à l’obtention de résultats applicables à l’objet [théorique]4 étudié » (p. 27).’

Une des conclusions du travail de Quintana-Robles (1997, p. 216-217) est qu’effectivement le recours à un modèle matérialisé semble faciliter la mise en relation par les élèves du modèle théorique (particulaire dans son cas) et du champ expérimental :

‘« Bien que ... le film n’ait présenté que des relations entre modèle matérialisé et champ expérimental, les élèves, en construisant le sens de leur narration, ont créé des relations directes entre modèle et champ expérimental. Notre travail montre donc sans ambiguïté que ces relations, qui sont l’essence même de la physique, peuvent être suscitées chez les élèves si on leur fournit un marchepied 5 qui est le niveau du modèle matérialisé. ».’

Cet effet « marchepied » peut-être représenté par l’ensemble des deux schémas ci-dessous (figure 5).

message URL FIG1-05.gif
Figure 1-5 : l’aide apportée par le modèle matérialisé

Dans le schéma de droite, le modèle matérialisé est présenté comme un niveau à part ; cette présentation correspond bien à son statut d’intermédiaire entre le modèle théorique et le champ expérimental. Cependant, si on affine l’analyse, on peut le décomposer en deux éléments : l’un qui appartient au champ expérimental dans la mesure où des informations perceptives peuvent en être extraites par les élèves, et où ils peuvent éventuellement  le manipuler ; l’autre qui est une représentation du modèle théorique et appartient donc pleinement au monde théorie/modèle. Cette décomposition peut se traduire par le schéma ci-dessous (figure 6).

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Figure 1-6 : la double nature du modèle matérialisé

Pour jouer effectivement son rôle d’intermédiaire, le modèle matérialisé doit avoir une double nature :

  • Il doit disposer d’une interface qui permettra à l’élève d’agir sur lui ; par elle il fait partie du champ expérimental ;

  • Il doit incorporer et représenter des règles du modèle que l’on souhaite voir utiliser, soit de façon réelle (on parlera de modélisation) soit de façon analogique (on parlera plutôt de simulation) ; la distinction entre modélisation et simulation sera discutée dans les chapitres 4 et 7, dans le cas de modèles informatisés.

Notes
4.

c’est nous qui rajoutons ce terme

5.

c’est nous qui soulignons ce terme très expressif