1. quelques mots sur les théories générales de l’apprentissage

Dès le début de son tour d’horizon des théories de l’apprentissage, Weil-Barais insiste sur le grand décalage entre la place centrale que l’apprentissage a tenu dans les études de psychologie de 1910 à 1960 environ, et le peu de connaissances accumulées à ce sujet (1994, p. 414). Elle en donne plusieurs raisons :

  • l’autolimitation par les béhavioristes à l’étude des conduites observables, au détriment des manipulations de représentations symboliques, alors que « ‘la plupart des apprentissages humains ne se traduisent pas nécessairement par des conduites motrices »’ (et c’est bien évidemment le cas dans l’apprentissage de connaissances aussi complexes que celles de la physique) ;

  • le grand nombre d’études menées sur des animaux, dont l’applicabilité à l’espèce humaine est problématique ;

  • le décentrement opéré par la psychologie cognitive, qui a privilégié la résolution de problèmes ou la modélisation des structures mentales des individus.

En conséquence, la situation actuelle de cette branche de la psychologie cognitive, telle que la décrit Weil-Barais, se caractérise par deux constats :

  • d’une part il n’est pas possible de distinguer des mécanismes d’apprentissage spécifiques, distincts des mécanismes de résolution de problèmes ou de raisonnement. Il s’agit toujours d’opérations de pensées, il s’agit toujours de discriminer, identifier, stocker, récupérer des informations, de les mettre en relations entre elles, de faire des inférences.

  • d’autre part, « à l’heure actuelle il semble impossible de pouvoir rendre compte par une seule théorie de la multitude de données dont on dispose sur les différentes formes d’apprentissage. Aussi les cadres théoriques développés dans ce secteur sont-ils extrêmement divers » (1994, p. 478). Cela a pour conséquence que chaque domaine particulier de connaissances a développé sa propre théorie de son apprentissage.

On trouve la même idée chez Develay (1995, p. 135). Partant du principe que « apprendre c’est être capable de transférer l’habileté cognitive », Develay note que les psychologues s’accordent sur le fait qu’il y a peu de transferts entre activités isomorphes dont le contexte diffère fortement. Autrement dit, les acquisitions dans un domaine de la connaissance ne semblent pas se transférer dans un autre domaine spontanément : ‘« le transfert ne se décrète pas a priori, mais aurait à être installé grâce à des activités de métacognition »’ (idem, p. 136). Dans un encadré pp. 136-138 de son ouvrage, Develay développe l’exemple d’un élève de collège qui dans la même période de quinze jours se montre incapable d’appliquer en mathématiques et en grammaire française ce que les chercheurs qui l’observent identifient comme le schème piagétien de la transitivité, alors qu’il est capable de le mettre en oeuvre en biologie.