3.5 La théorie de la complexité croissante

Von Aufschnaiter et son équipe adoptent un point de vue strictement conforme au cadre théorique de la cognition située pour leur étude de l’apprentissage de la physique : ‘« nous supposons que dans chaque nouvelle situation des séquences de nouvelles significations sont produites qui coordonnent les perceptions, les hypothèses et les actions qui se déroulent, à la suite d’un processus en spirale continu dépendant du contexte : action1 ’ ‘→’ ‘ perception 1 ’ ‘→’ ‘ hypothèse 1 ’ ‘→’ ‘ action2 ’ ‘→’ ‘ perception 2 ’ ‘→’ ‘ hypothèse 2 ’ ‘→’ ‘ action 3 et ainsi de suite »’ (Welzel, 1998 p. 1108). Que la première implication entre « action 1 » et « perception 1 », ou même la façon dont l’action initiale est conduite par l’apprenant puisse être influencées par son expérience antérieure ne semble pas entrer en ligne de compte dans ce point de vue : elles sont soumises uniquement à l’environnement de la situation, caractérisé à la fois par les interactions sociales et par les artefacts mis à disposition de l’apprenant.

L’activité cognitive des apprenants est reconstituée par le chercheur sous forme d’ensemble d’  « idées » qui sont la base des analyses ultérieures. Ces « idées » font l’objet d’une classification hiérarchique par « complexité » croissante, suivant dix catégories ou niveaux allant des « objets » aux « systèmes ». L’apprentissage et la construction de sens par l’apprenant s’accompagnent d’une complexité croissante des « idées » par lesquelles on peut décrire son activité cognitive.

Au cours d’une séquence d’enseignement relativement longue, il y a apprentissage au sens où de semaine en semaine la complexité des idées manipulées dans une séance donnée augmente (Welzel, 1998, p. 1110).

A notre sens, c’est donc bien qu’il reste dans le système cognitif de l’apprenant des ressources issues des séances précédentes qui sont réutilisées dans la situation en question, rompant par là avec le dogme de la cognition située. Dès lors on ne voit pas pourquoi ce ne serait pas aussi valable avant le début de l’enseignement : les apprenants disposent dès le début de morceaux d’explication des faits qui leur sont proposés, des idées préconçues qu’ils essayent d’appliquer, et qui interfèrent en permanence (tout au long de la séquence d’enseignement) avec les contenus qu’on leur présente. Le problème n’est donc pas de créer des connaissances à partir de rien, mais de transformer les conceptions initiales des apprenants.