4.2 Situation didactique ou a-didactique ?

La question du mode d’intervention de l’enseignant est cruciale pour distinguer « situations didactiques » et « situations A-didactiques ».

L’enseignant intervient-il au cours de la situation pour faire progresser le temps de classe, prenant à sa charge si besoin est tout ou partie du problème pour que l’élève avance vers la solution des problèmes qui lui sont posés ? Alors il s’agit de didactisme, et les pièges guettent (aussi bien l’enseignant que l’élève) :

Notons que l’enseignant ‘« ne peut se soustraire à l’obligation d’enseigner coûte que coûte »,’ et c’est ce qui rend ‘« la force des effets didactiques ... incoercible »’ (Brousseau, 1986, p. 45).

Au contraire, l’enseignant se borne-t-il à organiser la situation, les rapports de l’élève avec le milieu, et à lui faire prendre en charge le problème (à organiser la dévolution du problème) ? Laisse-t-il l’élève jouer jusqu’au bout sa partie contre le milieu ? Alors il aura réussi à créer une situation a-didactique, dont on espère qu’elle produira l’apprentissage réel de la connaissance en question. ‘« Entre le moment où l’élève accepte le problème pour sien et celui où il produit sa réponse, le maître se refuse à intervenir comme proposeur des connaissances qu’il veut voir apparaître »’. (idem p. 49). Somme toute, ce qu’on doit attendre de l’enseignant, c’est qu’il ait assez de force d’âme pour préférer courir le risque que l’élève échoue en se débrouillant seul, plutôt que courir le risque que l’élève n’apprenne rien à cause d’une intervention abusive de sa part.

Bien entendu, que cette situation adidactique prenne place dans le cadre de la classe n’a rien de contradictoire ou d’impossible. On pourrait argumenter qu’à partir du moment où l’élève a franchi la porte de la classe, il sent l’épée de Damoclès des notes au-dessus de sa tête, et agit en conséquence. Ce ne serait pas exact. L’élève sait en effet ‘« que le problème a été choisi pour lui faire acquérir une connaissance nouvelle, mais il doit savoir aussi que cette connaissance est entièrement justifiée par la logique interne de la situation et qu’il peut la construire sans faire appel à des raisons didactiques. Non seulement il le peut mais il le doit aussi, car il n’aura véritablement acquis cette connaissance que lorsqu’il sera capable de la mettre lui-même en oeuvre dans des situations qu’il rencontrera en dehors de tout contexte d’enseignement et en l’absence de toute intention institutionnelle »’ (idem, p. 49).

Brousseau (1986, pp. 37-38), énonce trois critères pour qu’une situation soit adidactique :

Dans la réalité, ‘« la situation adidactique finale de référence, celle qui caractérise le savoir [en jeu], peut être étudiée de façon théorique, mais dans la situation didactique, pour le maître comme pour l’élève, elle est une sorte d’idéal vers lequel il s’agit de converger »’ (idem p. 50). Il se peut très bien que la situation adidactique ne porte aucun apprentissage, et que tout ce travail soit le fait du contrat didactique ; il se peut au contraire que la situation didactique mise en place par le système éducatif soit suffisante pour provoquer l’apprentissage sans contrat didactique, mais en présence d’un contrat pédagogique qui se borne à organiser l’interaction entre le sujet et le milieu. En fait ce sont là deux situations extrêmes, et la plupart du temps la situation didactique réelle se situe entre les deux.