1. concept d’image optique et vie quotidienne

Commencer une étude sur les conceptions de l’image en optique géométrique par une réflexion sommaire sur la façon dont un individu peut rencontrer cette notion dans la vie quotidienne, c’est cohérent avec ce que nous avons déjà affirmé : les apprentissages réalisés en classe sont fortement influencés par les représentations mentales pas toujours très explicites que le sujet a construites à partir de son expérience de la vie quotidienne, et que le langage joue un rôle primordial dans cette construction.

Étymologiquement, « image » vient du latin imago, que le dictionnaire Gaffiot rapproche de imitor (reproduire par imitation), et qu’il conseille de traduire par imitation, portrait, copie, ou bien fantôme, apparition, spectre ... Ainsi l’imago est-il essentiellement quelque chose qui reproduit l’apparence d’un objet, même en l’absence de l’objet en question (un portrait), même si cet objet est mort (un spectre).

Et de fait, parmi les premières réalités qu’un enfant d’aujourd’hui perçoit et qu’on lui désigne par le mot « image », figurent des reproductions d’objets ou de personnages (sur des livres ou sur l’écran de télévision) qu’on peut percevoir en l’absence de l’objet qu’elles représentent. L’image à travers un miroir, très courante, fait exception : pour observer cette sorte d’image un peu mystérieuse (mon image dans le miroir me ressemble, mais quand je lève la main droite elle lève la main gauche), il faut que l’objet soit présent, et même qu’il ne soit pas placé n’importe où par rapport au miroir ; mais on la désigne souvent par le mot « reflet », surtout s’il s’agit d’une surface d’eau.

Si on met de côté provisoirement l’image dans un miroir, ce qu’un enfant apprend à désigner par le mot « image » a donc deux caractéristiques :

  • Cela a la même apparence qu’un objet. Mais cela n’a pas la même taille, ni la même disposition dans l’espace ;

  • Cela peut être perceptible même en l’absence de l’objet, et le lien entre objet et image, donc le mécanisme de formation de l’image, est non précisé, inconnu, compliqué : comment fait-on rentrer un paquebot ou un éléphant dans un poste de télévision ? En tous cas la lumière n’y joue pas de rôle décelable d’intermédiaire, de véhicule d’information.

Ultérieurement, l’enfant peut faire des expériences différentes de la notion d’image : par la manipulation d’une loupe, par l’usage (personnel ou observé chez une autre personne) d’un appareil photo, d’un projecteur de diapositives, d’un rétroprojecteur en classe ... Peut-être la nécessité d’une mise au point apparaît-elle à cette occasion. Mais ce n’est pas obligatoire, car les appareils photos sont de plus en plus automatiques, et le réglage des projecteurs diapos (ou de rétroprojecteurs), fait la plupart du temps par les adultes, ne nécessite qu’un mouvement très limité et peu perceptible par un tiers. En tous cas la lumière intervient ici comme transport de l’image, ainsi que l’idée que l’image obtenue peut être plus ou moins nette ; la distance entre l’objet et l’appareil d’optique, ou entre l’appareil et l’écran d’observation intervient dans cette netteté et/ou dans la taille de l’image obtenue.

On observera que dans tous ces cas (sauf celui de la loupe) un support est nécessaire à l’observation de l’image : le livre, l’écran de télévision, l’écran de projection, la surface du miroir10.

Au total, sous le mot image se cache une grande diversité de situations physiques quotidiennes (rôle actif ou non de la lumière, présence ou absence de l’objet, évidence ou masquage de la nécessité d’une mise au point, symétrie ou asymétrie de l’image par rapport à l’objet), dont les seuls caractères unificateurs semblent être la similitude de forme de l’image globale à l’objet global de départ, et la nécessité d’un support.

Notes
10.

Un physicien objectera peut être que l’image dans le miroir n’est pas sur le miroir ; mais l’enfant qui se peigne ne fait pas de la physique, et on constatera plus loin que la littérature didactique a relevé explicitement cette erreur.