2.1 La propagation de la lumière

Le phénomène lumineux le plus immédiatement perceptible est le bain de lumière qui nous entoure habituellement pendant la journée. Il n’a pas de source aisément identifiable, puisque même quand on ne regarde pas le soleil, ou lorsqu’il pleut, on perçoit cette lumière.

Il est donc assez normal que dès les premières études (Tiberghien, 1983 ; Guesne, 1984) on ait constaté que les enfants d’âge primaire ont tendance à établir une différence entre ce bain de lumière et la lumière produite par une source clairement repérable, située dans leur entourage immédiat, la flamme d’une bougie ou une ampoule. Dès lors la lumière n’est pas forcément pour les enfants de cet âge un phénomène qui se propage (ce qui peut s’inférer du faible nombre de verbes traduisant un mouvement qu’ils emploient si on les questionne sur le sujet) ; c’est plutôt un état du monde qui les entoure.

Pour des enfants plus âgés (12-13 ans), la lumière est devenu un phénomène autonome et qui se propage. Ils pensent le plus souvent que cette propagation a lieu en ligne droite, mais il arrive qu’ils emploient des explications où la lumière contourne les obstacles pour remplir tout l’espace disponible, un peu comme ferait un fluide. On constate également, en cas de propagation rectiligne, qu’une direction horizontale est privilégiée (Guesne, 1984 p. 182). A ce niveau de développement, la notion de durée de propagation intervient peu, uniquement quand de grandes distances sont en jeu (Tiberghien, 1983 p. 129), et de façon tout à fait séparée de la notion de propagation rectiligne.

Pour des apprenants plus âgés, la propagation de la lumière met en jeu explicitement le concept de rayon lumineux. Cependant un élève peut très bien employer un mot (rayon) sans lui attribuer pour autant l’ensemble de significations qui constituent le concept scientifique correspondant. Comme le disent Goldberg et McDermott (1987, p. 112), ‘« un rayon est une abstraction, une partie d’un modèle destiné à être utilisé suivant certaines règles ... plutôt qu’une véritable entité physique »’. Or ils ont constaté que les étudiants américains qu’ils ont observés à l’Université de Washington semblaient considérer les rayons comme des objets physiques réels (ce qui d’ailleurs explique peut-être certaines erreurs sur le rôle exagéré attribué aux rayons spéciaux, voir ci-dessous).

Par ailleurs, pour ces étudiants américains‘, « un objet lumineux produit des rayons parallèles qui voyagent à travers l’espace »’ (Goldberg & McDermott, 1987 p. 118). Que les rayons soient parallèles implique obligatoirement qu’une direction est privilégiée ; et c’est le plus souvent une direction horizontale, à la fois pour des raisons culturelles et pour des raisons didactiques : la plupart du temps les schémas des manuels d’enseignement et les dispositifs expérimentaux (les bancs d’optique) sont organisés autour d’une direction horizontale (Ronen & al., 1993).