4. Les tentatives de synthèse de ces travaux

Dans le chapitre 2 de son livre « Raisonner en physique (la part du sens commun) », intitulé ’une tendance du raisonnement : matérialiser les objets de la physique, exemples en optique élémentaire’ (1996, p. 25-58), Viennot présente un premier type de synthèse sur les conceptions les plus courantes . Comme le titre du chapitre l’indique, l’analyse de ces travaux est faite par l’auteur en termes de matérialisation des rayons lumineux ou de l’image d’un objet, qu’elle oppose au point de vue physique de la transmission d’une information. Pour Viennot, on peut comprendre une bonne partie des réponses données par les élèves aux différents questionnements de ces travaux si on leur prête l’idée que l’image est un objet quasi matériel, qui part de l’objet source, traverse la lentille en se renversant, au besoin en s’écornant contre un cache, et apparaît sur l’écran d’observation. De la même façon, une tendance à la matérialisation de la lumière expliquerait qu’on accepte assez volontiers l’idée qu’on peut la voir de côté, sans l’aide d’une substance diffusante, ou que les interactions de lumières colorées différemment obéissent pour les élèves aux mêmes lois que les mélanges de peintures (cf. deux exemples, op. cit. p. 42 et 43). Viennot ne cache pas que d’autres interprétations conviendraient probablement mieux à expliquer d’autres aspects des réponses (note 6 p. 38).

Au lieu de caractériser les conceptions « de sens commun » en optique comme une matérialisation, renvoyant au fond au substantialisme dénoncé par Bachelard (1938, p. 97-129) comme obstacle épistémologique de première grandeur, Galili (1996) présente une autre direction de synthèse, légèrement différente de la précédente : la conceptualisation holistique, déjà mentionnée plus haut (Galili et al., 1993). Surtout il essaye de saisir le mouvement par lequel, à partir d’une conception de base issue du sens commun, les élèves se font un chemin vers une compréhension plus scientifique de la notion d’image, en passant par une conception hybride, qu’il appelle la conceptualisation de l’image projetée. Il formalise donc trois conceptions différentes de la formation et de l’observation d’une image optique : la conceptualisation primitive holistique ; la conceptualisation intermédiaire de l’image projetée ; et la conceptualisation scientifique, faisant intervenir une correspondance point par point entre l’objet et l’image, par l’entremise de faisceaux de lumière.

Galili caractérise la conception intermédiaire en organisant les concepts d’objet global décomposable en points, d’image globale décomposable en points, de système optique, d’oeil de l’observateur et de rayons lumineux dans un cadre fourni par six idées principales :

Quant à la conceptualisation scientifique, elle organise cinq concepts fondamentaux (un point source et un point image, un système optique, des flux de lumière convergents et divergents, l’oeil comme instrument optique supplémentaire, les rayons lumineux) dans un cadre de cinq idées principales :

Comme on peut le constater, la conception intermédiaire réalise un mélange de caractéristiques de la conceptualisation naïve et de la conceptualisation scientifique (Galili affirme ‘« son trait principal est sa nature hybride »’).

Enfin, dans une publication récente, Galili et Hazan (2000) organisent autour d’un cadre théorique unique les résultats de leur étude personnelle, menée par la méthodologie des pre/post-tests, mais aussi de vingt autres études de didactique de l’optique géométrique publiées de 1984 à 1997 (la liste est fournie op.cit. p. 77).

Les résultats de l’enquête propre des auteurs portent sur 64 étudiants avant instruction (grade 9) et 102 étudiants après instruction (40 h d’enseignement classique, grade 10) auxquels ont été posées 13 questions ouvertes sur le mécanisme de la vision, les propriétés générales de la lumière, la formation des ombres, la formation des images par réfraction ou réflexion, les phénomènes colorés.

À travers les réponses à ces questions, ainsi que dans les études antérieures, les auteurs caractérisent un certain nombre de « facettes » des connaissances des élèves relatives aux phénomènes lumineux. Ils regroupent ces facettes en huit « schèmes » différents, possédant chacun une certaine cohérence : depuis la vision spontanée (c’est-à-dire ne faisant pas intervenir la lumière) jusqu’à la conception de la couleur comme pigment isolé de la lumière.

Deux schèmes sont liés à la formation des images :

D’après les auteurs, les élèves adoptent le schème projectif à la suite de l’enseignement, en particulier à la suite de l’insistance mise dans les manuels et les cours classiques sur les diagrammes de rayons (idem p. 80). Il joue alors le rôle de modèle synthétique (Vosniadou, 1994).

Les auteurs tirent de leur étude un certain nombre de conclusions pour la construction de séquences d’enseignement en optique géométrique (idem pp. 82-83) :