5. du bon usage des conceptions

Une conception est une construction théorique de la didactique, portant sur un domaine particulier des mathématiques ou des sciences expérimentales, liée à certaines situations ; elle se présente comme un ensemble d’idées, de connaissances, de processus mentaux, attribués à un élève « moyen », générique, disons « épistémique », à partir d’observations et de questionnements réalisés avec des élèves bien réels ; cette conception est censée avoir de fortes probabilités d’expliquer et de prévoir le comportement observable d’un élève individuel dans des situations de résolution de problème, au sens le plus large. Il s’agit donc d’une construction théorique élaborée par un ou des chercheurs, à partir de certaines situations, et dont on affirme qu’elle a une forte probabilité d’être valide pour interpréter et/ou prédire le comportement d’un élève dans d’autres situations.

Cette définition pointe le problème du rapport entre la situation de questionnement et les connaissances manifestées.

Comme nous l’avons dit au chapitre 2, nous considérons que les connaissances qui se manifestent chez un élève dépendent de la situation dans laquelle il a été placé lors de l’observation. Ce principe général s’applique ici sous deux formes :

Dans la plupart des travaux, on pose aux élèves des questions de physique, avec des croquis par exemple qui ont la forme habituelle des schémas utilisés en classe de physique, ou avec du matériel identifié comme du matériel habituel en classe de physique. Il faut s’attendre à voir se manifester des connaissances mobilisables par l’élève dans ce cadre, et non forcément dans un autre, par exemple dans le cadre de référence de la vie quotidienne. La transférabilité des conceptions ainsi énoncées du cadre de la classe de physique à un autre ensemble de situations est a priori problématique.

Même à l’intérieur du cadre de la classe, différents types de situations communicatives peuvent exister : l’élève peut travailler seul, par paire, ou participer à une discussion globale avec le reste de la classe, où l’enseignant joue un rôle spécial, à la fois questionneur, organisateur et juge du débat. La grande majorité des travaux sur les conceptions ont placé les élèves en situation individuelle, en rapport avec une feuille de papier quand il s’agissait de tests écrits, ou en rapport avec un seul adulte détenant un savoir, dans le cas d’entretiens. Il est donc possible que le fonctionnement cognitif d’un élève ne soit pas régi par les conceptions ainsi élaborées si on le place dans une situation de communication différente.

On peut se demander également, dans un registre un peu différent, si les travaux sur les conceptions n’utilisent pas parfois dans leur questionnement des termes courants, forcément polysémiques car employés dans un contexte scientifique : ainsi le mot image ; le questionneur donne un certain sens à sa question, mais l’élève interrogé y met un sens différent.

Malgré les précautions d’emploi qui découlent de ces réserves, une grande quantité de travaux aboutissent aux mêmes résultats, c’est un fait qu’on ne peut esquiver. Cela fournit une base solide pour construire des séquences d’enseignement. Dans l’analyse du comportement d’un élève particulier, les conceptions apparaissent comme des modèles élaborés dans certaines conditions ; ce sont des guides indispensables.