1.2 Le type d’utilisations de l’ordinateur

Un constat analogue a été fait dès 1991 par Beaufils (1991, p. 8) : la grande majorité des utilisations de l’ordinateur dans les enseignements de Sciences Physiques porte sur ses fonctionnalités de mesure et de traitement des données expérimentales ; Beaufils signale d’ailleurs une différence avec les utilisations observées en Biologie, plus axées sur la simulation de phénomènes (Duval & Salamé, 1991). Beaufils met en avant trois raisons à cette tendance :

  • le désir des enseignants de Sciences Physiques français de s’inspirer des pratiques des physiciens professionnels dans leurs laboratoires (op. cit., p. 9) : une des particularités de la transposition didactique en Sciences Physiques serait donc de tenter de reproduire dans l’enseignement la même utilisation des moyens informatiques que dans le savoir savant ;

  • le rejet de l’enseignement tutoriel ;

  • la volonté de privilégier l’informatique-outil au détriment de l’informatique-objet d’enseignement (op. cit., p. 10).

Du point de vue du sens véhiculé par cette forme d’utilisation de l’outil informatique, Beaufils formule la critique suivante : ‘« en caricaturant un peu, on peut dire que dans bien des cas des solutions purement techniques sont apportées à des problèmes pédagogiques non identifiés »’ ; il donne comme exemple ‘« l’étude de la chute d’une barre perforée devant une cellule (qui mesure donc la vitesse à des dates différentes de points différentes d’un unique solide étendu) est-elle une méthode adaptée à l’introduction de la cinétique du point ? »’ (op. cit., p. 21).

À une date un peu plus proche de nous, Millot (1996, p. 99) constate que d’une part l’utilisation de l’ordinateur comme ‘« outil d’acquisition et de traitement informatique des données expérimentales’ » se développe dans les établissements, et que d’autre part les programmes actuels prennent en compte cette utilisation, pour lui fixer un cadre. Ainsi les principes généraux de l’enseignement de la physique et de la chimie qui accompagnent les programmes de 93 fixent-ils comme objectifs  (BOEN, 1992) : ‘« l’ordinateur sera l’outil privilégié11 pour la saisie et le traitement des données ainsi que pour la simulation. Il ne sera en aucun cas substitué à l’expérience directe dont il sera le serviteur ».’ Les responsables de la noosphère qui ont fixé ces objectifs craignaient peut-être une tendance à remplacer les expériences par une manipulation de simulations informatiques. On peut se demander si le danger n’est pas plutôt que ces objectifs restent lettre morte devant les difficultés d’une partie du corps enseignant à s’approprier le maniement et les caractéristiques de l’outil informatique.

Au fil des années, les progrès techniques et ceux de la réflexion sur les usages possibles de l’informatique dans l’enseignement scientifique ont produit une diversification des types de logiciels, que Durey (1996, pp. 203 à 213) distingue ainsi :

  • les logiciels d’Enseignement Assisté par Ordinateur, appliquant directement les paradigmes de l’enseignement programmé, sont très liés à un découpage strict des apprentissages à réaliser, et peu utilisés pour cette raison même ;

  • les logiciels d’Enseignement Intelligemment Assisté par Ordinateur, incorporant les techniques de l’intelligence artificielle, visent sur la base d’un modèle de l’apprenant plus ou moins élaboré, à prendre en charge certaines fonctions de l’enseignant dans son rapport avec l’élève. Ils comprennent ainsi des modules de dialogue en langue naturelle avec l’utilisateur, de diagnostic des connaissances, des stratégies d’enseignement ;

  • les logiciels d’Enseignement Interactif Assisté par Ordinateur se sont développés sur la base d’une plus grande préoccupation accordée à l’analyse didactique ;

  • les logiciels de simulation, utilisant un modèle préimplanté dont souvent l’élève ignore le fonctionnement ;

  • les logiciels de modélisation, où l’élève doit construire lui-même le modèle et le valider ;

  • les logiciels d’acquisition de données et de pilotage d’expériences ;

  • les bases de données ;

  • les systèmes de prise et de traitement d’images.

La plupart du temps, l’utilisation de l’ordinateur donne accès à des techniques impossibles à mettre en oeuvre sans lui à un niveau donné : l’ordinateur décharge l’apprenant des aspects fastidieux (calculs répétitifs par exemple) des tâches qu’il doit accomplir, lui permettant ainsi de se concentrer sur l’apprentissage lui-même. Il a donc un aspect facilitateur.

Notes
11.

C’est nous qui soulignons ce que ce terme pourrait avoir de contraignant, s’il était respecté ...