1.3 Les attentes des enseignants envers l’ordinateur

Dès sa naissance, l’usage pédagogique de l’ordinateur a soulevé un certain nombre d’espoirs.

Aussi un grand effort de formation, s’échelonnant sur des années, a-t-il été conduit dans ce domaine, aux plans académique et national, par de nombreux stages de formations (voir par exemple Beaufils et Schwob, 1995). Cela s’est traduit également par l’existence permanente d’une commission informatique au sein de l’Union des Physiciens, avec des correspondants dans chaque académie.

Il faut signaler surtout au plan national la tenue tous les deux ans, sous les auspices conjugués de l’Inspection générale de Sciences Physiques, de l’INRP et de l’Union des Physiciens, de huit « Journées Informatique et Pédagogie des Sciences Physiques », jusqu’en 1998. Ces Journées ont joué un rôle moteur dans l’évolution, l’homogénéisation et la généralisation des pratiques enseignantes en ce qui concerne l’utilisation de l’informatique dans les classes. On peut noter à cet égard que le changement de nom de cette manifestation au cours des années est révélateur du changement d’attitude des enseignants vis-à-vis de l’ordinateur comme outil d’enseignement. Le titre initial, « Journées Informatique et Sciences Physiques » marquait une époque où les problèmes principaux étaient d’ordre technique (comment acquérir des mesures avec un ordinateur, quels logiciels de traitement choisir ...) ; avec le titre « Journées Informatique et Pédagogie des Sciences Physiques », on marque que la communauté des enseignants (ou plus exactement sa frange la plus active) a atteint une maîtrise suffisante de l’outil pour se poser des problèmes d’ordre pédagogique (quelles conséquences cet outil va-t-il avoir sur les apprentissages réalisés, comment faut-il organiser la classe autour de l’utilisation de l’ordinateur).

Les Actes de ces Journées permettent de se faire une idée approximative des sentiments des enseignants utilisateurs de l’informatique sur son utilité : pour la majeure partie des nombreux intervenants, l’avantage essentiel de l’informatique consiste à faire plus vite des expériences en acquérant automatiquement les mesures plutôt qu’en les relevant à la main, tracer immédiatement la courbe des valeurs pour en obtenir une interprétation immédiate.

Rares sont les points de vue qui se préoccupent de la nature des savoirs mis en jeu. Beaufils (1991) signale les points de vue de Guillon (1984), suivant lequel la micro-informatique redonne une chance à la modélisation en Sciences Physiques, et de Bouysset & al. (1984), suivant lequel la micro-informatique devrait permettre d’approcher des systèmes plus complexes que les objets d’enseignement habituels ‘« et de se rapprocher ainsi de la démarche du physicien dans son laboratoire »’ (sic).

Dans l’article déjà cité, Millot (1996) avance que l’ordinateur peut apporter une solution à un des problèmes importants de l’enseignement des Sciences Physiques en lycée : ‘« Dans une séance de travaux pratiques, les objectifs expérimentaux sont parfois masqués par les difficultés des élèves devant les outils à utiliser. Il est même parfois difficile à l’enseignant de mettre l’accent sur le phénomène physique intéressant tant il a besoin de digressions utilitaristes »’ (1996, p. 100). Encore faut-il que l’ordinateur ne tombe pas dans le même travers ! C’est en effet un outil dont l’élève doit aussi acquérir une maîtrise suffisante, et le coût de cette acquisition n’est pas négligeable, à la fois cognitivement et en ce qui concerne le temps occupé.

Dans le cas où le traitement des données nécessite une représentation graphique, Millot avance l’idée que l’ordinateur permet de gagner du temps sur le tracé à la main de la courbe. Cette proposition recouvre en fait deux idées : on peut gagner du temps, d’une part (mais là on néglige le temps d’apprentissage inévitable d’un logiciel), et l’élève a une visualisation plus immédiate des effets sur la représentation graphique des actions qu’il effectue dans le champ expérimental.

Sur le type de connaissances qui sont demandées aux élèves à propos du logiciel, Millot cite Beaufils insistant sur ‘« la nécessité pour les élèves de connaître le mode de fonctionnement du modèle utilisé par le logiciel » ’(1996, p. 108). Elle se demande, au cas où ce n’est pas fait, si plus qu’une caractéristique attachée à l’ordinateur qui serait une boîte noire, ce n’est pas révélateur d’une pratique pédagogique, car ‘« les documents de type presse-bouton »’ (op. cit., p. 108) existent en format papier aussi.