3.4 Les gestes spécifiques à Cabri-géomètre

Rolet (1996) fait l’analyse que par rapport à des outils classiques de dessin, il y a deux catégories de gestes nouveaux dans Cabri-géomètre :

• Désigner une commande dans un menu et un ou plusieurs objets à l’écran, pour appliquer cette commande ; Rolet considère, et nous la rejoignons sur ce point, que cette fonctionnalité introduit une double médiation (p. 88). D’une part les actions de l’utilisateur passent par le filtre de la réalisation de son objectif par le logiciel : c’est Cabri qui trace la parallèle passant par un point que l’utilisateur a désigné, à une direction que l’utilisateur a désignée ; cela a deux effets : la parallèle est vraiment parallèle, sans aucune erreur de tracé ; par ailleurs Cabri trace une droite parallèle, et non un segment ou une demi-droite comme l’utilisateur en aurait peut-être l’envie. D’autre part l’utilisateur, pour exécuter un tracé, doit passer par l’outil du langage, et d’un langage syntaxiquement saturé : il doit formuler « je veux tracer une parallèle », et expliciter par quel point, et à quelle direction ; sans cela, Cabri n’exécutera pas la commande.

• Manipuler le dessin, directement avec la souris. Dans cette manipulation, les propriétés grapho-géométriques sont conservées, mais non les propriétés grapho-spatiales. Rolet distingue deux types de déplacements, en fonction de leur statut dans le raisonnement de l’utilisateur. D’une part les cabri-ajustements ont pour but de rendre le dessin conforme aux visées de l’utilisateur ; d’autre part une autre classe de déplacements (que Rolet ne qualifie pas plus précisément et que nous proposons d’appeler déplacements-preuves) a pour fonction de vérifier qu’une propriété est valide pour toute conformation du dessin, que c’est donc une propriété de la figure géométrique. Par conséquent de tels déplacements-preuves peuvent servir à disqualifier une interprétation non pertinente (Laborde & Capponi, 1994 p. 175). Rolet cite les deux façons de tracer le dessin d’un parallélogramme, pour faire comprendre la distinction entre les deux types de déplacements : on peut placer quatre points sur l’écran, tracer les quatre segments entre ces points, et déplacer les sommets de sorte que le dessin soit celui d’un parallélogramme, on aura procédé à un cabri-ajustement ; on peut aussi tracer deux demi-droites à partir d’un point, choisir deux points sur ces demi-droites, mener les parallèles aux demi-droites par ces deux points ; on pourra alors déplacer différents objets (le point initial, les demi-droites, les points secondaires) et vérifier que le dessin est toujours un parallélogramme, on aura alors pratiqué des déplacements-preuves.

A ces deux spécificités de Cabri-géomètre, nous souhaitons ajouter que le logiciel est capable d’énoncer des jugements sur la validité de propriétés géométriques, donc de répondre à des questions d’ordre géométrique que l’utilisateur lui pose. Mais pour cela, les objets sur lesquels on lui pose des questions doivent avoir été construits à partir de propriétés implémentées, à partir desquelles le logiciel pourra inférer ses jugements. Par exemple, si on trace deux cercles sécants, Cabri pourra affirmer que les centres des cercles appartiennent à la médiatrice du segment formé par les deux intersections, pour autant bien sûr que cette médiatrice ait été construite en utilisant effectivement l’outil « médiatrice ».