1.2 Une étude menée dans une classe réelle

A partir du moment où on se fixe pour objectif l’étude d’une évolution conceptuelle en relation avec les différentes situations d’une séquence d’enseignement, il est indispensable de s’immerger dans la complexité d’une classe réelle, observée pendant toute la séquence. Cela comporte obligatoirement des inconvénients, en particulier l’apparition de phénomènes à première vue parasites qui viendront interférer avec notre objet d’étude. Néanmoins, à partir du moment où on pose que l’activité cognitive d’un sujet dépend nécessairement de la situation dans laquelle il est placé, les évolutions observées dans une classe réelle différeront a priori de celles qu’on pourrait observer dans un autre contexte. Nous avons donc choisi de formuler des hypothèses sur des apprentissages mis en évidence dans la situation où se trouveront peu ou prou tous les élèves, plutôt que sur ceux observés dans une situation atypique.

Sous cet aspect, nous nous écartons de certains des travaux cités précédemment. Par exemple, Beaufils (1991, p. 66) déduit de son cadre théorique (voir plus haut chapitres 2 et 4) la nécessité de limiter le nombre de binômes sur lesquels portent ses prises de données : dans la mesure où l’activité des élèves doit consister à résoudre des « énigmes », la circulation des informations entre les binômes peut lever l’implicite sur ce qu’il faut trouver, donc dépouiller l’activité de chacun de son caractère énigmatique. En conséquence, les données ont été prises sur 1, 2 puis 3 binômes, d’élèves de terminale S volontaires, en dehors des heures de cours normales (idem p. 173).

Ce n’est pas notre point de vue. Les interactions entre binômes existent dans une classe réelle, elles sont une source légitime d’informations, parmi d’autres, sur lesquelles se fonde l’activité des élèves. Pourquoi l’éliminer a priori ? Il se trouve d’ailleurs que dans notre cas que pendant toute la séquence enregistrée, ces interactions sont assez rares, et n’ont jamais pour conséquence de limiter la dévolution du problème aux élèves, parce qu’elles ne les conduisent pas à recopier bêtement ce que font les autres binômes : au contraire, la perception d’une éventuelle différence pose une nouvelle énigme aux élèves observés, qui les conduit plutôt à questionner leur propre raisonnement.