1. Découpage de la séquence

Nous avons distingué plusieurs niveaux de découpage : les situations, les épisodes, les étapes.

Comme nous l’avons déjà signalé, nous avons déterminé dans la séquence complète quinze ’situations’ ; une situation est définie par rapport au contenu d’enseignement qu’elle met en jeu ; elle est prévue, écrite par l’enseignant, avant la séance : le passage d’une situation à l’autre est donc la prérogative de l’enseignant, qui règle a priori le temps de la classe et sa progression. Ainsi la situation 2 qui nous servira d’illustration est l’ensemble des activités qui conduisent à la définition du foyer principal image d’une lentille. Après avoir projeté aux élèves une diapositive de la constellation d’Orion, on leur demande de simuler la prise de vue par une expérience de laboratoire : on leur donne une lanterne qui produit un faisceau de lumière parallèle et une lentille hémicylindrique ; si la lentille n’est pas diaphragmée, un faisceau incident perpendiculaire à la face plane de la lentille émerge en présentant une importante aberration géométrique. L’objectif est de montrer que les conditions de Gauss doivent être vérifiées si on veut obtenir une image nette de la constellation. Cet ensemble de savoirs en jeu définit la situation 2.

Une situation donnée, si elle occupe une durée assez importante, peut être constituée de plusieurs phases d’activités différentes, dont l’homogénéité tient à ce que chacune a un but précis dans la progression et/ou utilise un type de ressources bien défini : chacune de ces phases sera appelée un ’épisode’. Les épisodes, comme les situations, sont définis avant la séance ; en cours de séance cependant, la structuration des épisodes peut varier en fonction du retour que la classe fournit à l’enseignant, on en verra quelques exemples. La situation 2 par exemple contient cinq épisodes successifs, d’importance inégale, qu’on peut intituler ’observation du phénomène’, ’réflexion sur la qualité de l’image obtenue’, ’comment améliorer l’image obtenue’, ’activité sur l’ordinateur’, ’définition du foyer image par l’enseignant’. Le passage d’un épisode à l’autre est principalement le fait de l’enseignant, même si à ce niveau-là il peut tenir compte dans une certaine mesure des réactions du groupe-classe (c’est ce qui s’est effectivement passé, notamment dans la situation 15).

Un épisode donné peut être subdivisé lui-même en étapes qui traduisent mieux l’activité des élèves observés. A l’intérieur d’une étape, l’activité des élèves est assez homogène, ils ont une certaine initiative pour changer d’activité. Par exemple, l’étape s2-2-3 de la situation 2 consiste en une discussion entre les deux élèves enregistrés, qui cherche à répondre à la question ‘« qu’est-ce qu’on peut dire de l’image obtenue avec une telle lentille ? »;’ l’étape suivante (s2-2-4) décrit comment se modifie leur réponse à la suite d’une intervention perturbatrice de l’enseignant. Cette subdivision en étapes, qui reconstitue la démarche suivie par les élèves, est absolument nécessaire à notre objectif.

Il est la plupart du temps nécessaire de suivre le développement d’une idée chez le sujet au cours de plusieurs étapes voisines dans le temps : on peut prendre comme exemple la réflexion d’Emmanuel sur ce qu’il est nécessaire de cacher et de montrer dans l’épisode s6-6.

Il faut insister sur le basculement que constitue le passage entre situation/épisode et étape : la succession des situations, et des épisodes à l’intérieur d’une situation, reflète la façon dont l’enseignant planifie la progression de son enseignement ; la succession des étapes à l’intérieur d’un épisode reconstruit la façon dont l’élève traite le problème pour répondre à ce qu’on lui demande de faire (ou plus exactement à ce qu’il pense qu’on lui demande de faire, car toute instruction est ambiguë tant que celui qui la donne et celui qui la reçoit ne partagent pas les mêmes présupposés, voir Roth & al., 1997 p. 125). La plupart du temps, l’enseignant n’a qu’une connaissance assez vague de cette succession d’étapes, parce qu’il doit gérer sa classe tout entière et ne peut assurer la continuité du suivi d’un seul groupe.