5.3 La compatibilité avec l’examen

L’examen constitue en effet une source d’obligations impératives pour l’enseignant dans une classe de Terminale. Toute innovation pédagogique doit conserver l’opérationnalité des apprentissages réalisés dans le contexte de cet examen. Il nous faut à ce sujet envisager deux questions.

D’une part, les connaissances véhiculées par cette séquence utilisant un modèle informatique correspondent-elles à celles utilisées par les exercices de l’examen ? On peut répondre certainement oui, dans la mesure où les connaissances essentielles utilisées dans les exercices sont la formule de conjugaison, la construction de rayons spéciaux et (parfois) de rayons quelconques traversant la lentille, l’association des images à travers un système de deux lentilles, la transformation de la forme (surtout la convergence) des faisceaux à la traversée d’une lentille ; toutes connaissances qu’on peut retrouver abondamment dans la séquence que nous avons réalisée.

D’autre part, et plus précisément, quelle correspondance y a-t-il entre les constructions géométriques sur les lentilles dans un environnement papier-crayon que les élèves sont amenés à faire eux-mêmes ou qu’ils trouveront dans les manuels et celles réalisées sur l’ordinateur par eux ou par l’enseignant ? Là encore la réponse peut être oui, avec des réserves. Il est certain que les constructions géométriques utilisées dans les cabri-fichiers sont basées sur les mêmes règles que celles qu’un élève doit appliquer en environnement papier-crayon. Cependant l’application pratique de ces règles dans un environnement informatique impose un traitement explicite d’une activité que l’élève, en environnement papier-crayon, réalise très vite implicitement : le choix des parties des rayons qu’il faut représenter. Par exemple, quand on trace le rayon qui part d’un point source et passe par le foyer principal objet, avec un crayon n’importe quel élève s’arrête à la lentille ; l’ordinateur continue à tracer la demi-droite au-delà de la lentille, il faut ensuite définir le point d’intersection avec la lentille, et définir le segment qui va du point source à la lentille, et cacher la demi-droite. Deuxième écart entre les capacités demandées pour un tracé à l’ordinateur et celles demandées pour un tracé en papier-crayon : l’habileté manuelle qui permettra à l’élève de faire une figure correcte, où les différents rayons émergents se couperont en un seul point par exemple ; cette habileté n’est pas du tout exercée par l’activité informatique, puisqu’il suffit de cliquer sur un point et une direction pour que Cabri trace une parallèle absolument exacte à la direction désignée, passant par le point indiqué.

On peut donc dire qu’il y a coïncidence dans le champ de la physique entre les connaissances sur lesquelles se base la séquence informatisée et les connaissances nécessaires aux exercices de l’examen, mais que les capacités exercées diffèrent.

Par conséquent, les étudiants doivent être entraînés à résoudre des problèmes dans les mêmes conditions que celle de l’examen du baccalauréat, donc sans ordinateur ; par suite des activités classiques de constructions géométriques dans un environnement papier-crayon ont été prévues dans la séquence que nous avons construite, en classe ou (surtout) à la maison. Mais ce choix rend plus aigus les problèmes de temps ou de surcharge des élèves, qui protestent comme on l’a dit plus haut. En définitive, on retrouve une vérité bien connue, qui est que l’enseignement est piloté par l’évaluation qui en est faite, et que toute innovation qui ne se traduit pas par une évolution des modalités de l’examen a de grandes difficultés à se répandre. C’est ce que montre le phénomène contraire, qui se manifeste par exemple dans les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles, où l’usage de l’ordinateur est rendu indispensable par le fait qu’il soit utilisé dans les concours d’entrée aux Grandes Écoles. Cela devrait conduire à questionner les modalités de l’examen de fin d’études secondaires.