Dans la construction d’un cabri-fichier, il peut arriver que certains points ne puissent être déplacés. Ils appartiennent à deux catégories :
Ceux qui sont punaisés30 par décision assez arbitraire du concepteur du fichier, qui a pour but de réduire le nombre de degrés de liberté laissés à la manipulation du fichier par l’élève ;
Ceux dont l’existence, et donc le déplacement, dépendent complètement d’autres points.
Dans un certain nombre de cas, les élèves essayent de déplacer des points qui sont fixes par construction :
Dans l’étape s5-3-3 (int. 5/592 à 597), confrontés à une erreur de construction antérieure qui les conduit à une fausse interprétation, ils tentent de déplacer le plan focal objet pour réparer cette erreur et obtenir que ce qu’ils pensent être l’axe secondaire coupe le rayon émergent dans les limites de l’écran ; le sens de cette manipulation est de déplacer le point source, qui visiblement est assujetti à rester sur le plan focal objet, de manière à modifier le rayon émergent ; cette manipulation est donc directement dans le prolongement de l’activité qu’on leur a demandé de faire dans l’épisode s5-2 pour définir le foyer principal objet ;
Dans l’étape s14-3-2 (int. 14/198), Adeline essaye de régler la focale de la lentille correctrice en déplaçant son extrémité gauche, ce qui est surprenant car cette extrémité est située près du bord gauche de l’écran, et dispose donc d’une marge de manoeuvre extrêmement réduite, alors que l’extrémité droite a visiblement plus de place ;
Dans l’étape s15-1-4 (int. 15/68), Adeline essaye de déplacer le centre de la lentille-objectif au lieu de déplacer le point d’intersection du rayon quelconque avec la lentille ; cette manipulation s’explique peut-être par l’idée qu’elle vient de manipuler le point D1 fixant l’inclinaison du faisceau incident sur la lentille, et qu’elle reste sur le même rayon passant par le centre optique, alors qu’il faudrait passer au rayon quelconque qui est parallèle ; il s’agirait alors d’une incompréhension du mode de représentation adopté pour ce faisceau incident, en d’autres termes elle ne comprend pas bien ce que ce deuxième rayon vient faire là.
Dans l’étape s6-6-13, Emmanuel essaye de déplacer deux points qui ne peuvent pas bouger, parce qu’ils sont fixés univoquement par la position d’autres points qu’il ne déplace pas une intersection d’un rayon particulier avec la lentille (int. 6/929) et le point image (int. 6/935). Il constate qu’il ne peut pas les déplacer, mais ne cherche pas à expliquer pourquoi. On observe la même tentative de sa part dans l’étape s7-1-1, où il tente de déplacer le segment représentant l’image (int. 7/9) puis de modifier la taille de ce segment (int. 7/29), alors que ces deux caractéristiques ne peuvent être modifiées qu’en agissant sur le segment représentant l’objet. La dépendance entre ces éléments traduit une loi physique, ce qu’Emmanuel semble ne pas avoir compris.
Dans l’étape s12-1-4, Adeline essaye de déplacer l’extrémité de la distance focale, qui refuse de bouger car elle est punaisée.
On constate donc que dans la plupart des cas ces tentatives de déplacer des points fixes s’expliquent par des incompréhensions qui dépassent largement le niveau de la manipulation, mais concernent bel et bien le sens attribué à la représentation du modèle.
Nous avons vu dans cette partie l’aide importante apportée par Cabri-géomètre tel qu’il a été utilisé à l’exploration par les élèves du modèle physique. Il est rationnel de conclure que cette aide est la cause de l’importance de la catégorie RMMP dans l’analyse catégorielle dont nous avons donné un certain nombre de résultats ci-dessus (voir point 3 de la conclusion). Il n’y a pas lieu de s’en étonner : si on met entre les mains des élèves une ressource qui se situe dans le même plan que le modèle physique (et qui par ailleurs utilise le même type de représentations), on favorise la composante de leur activité qui se situe dans ce niveau de savoirs.
Néanmoins nous avons pu constater que nombre de problèmes subsistent, dans l’interprétation que les élèves donnent des réponses du modèle matérialisé. Ces difficultés apparaissent surtout dans l’analyse qualitative du comportement des élèves, l’analyse catégorielle ayant plutôt tendance à les passer sous silence. Cela justifie le croisement des deux types d’analyses.
le terme « punaiser » désigne une commande particulière de Cabri-géomètre. Cette opération consiste à bloquer le point désigné sur la figure, il n’a donc plus aucune possibilité de déplacement. Cet empêchement n’apparaît pas à l’écran, alors qu’il est représenté quand on a activé cette commande par une petite punaise (d’où le terme) sur le point fixe. Les élèves ne pouvaient donc pas s’apercevoir a priori des points qui étaient punaisés ou non.