1.5 Les rapports entre les constructions sous Cabri et l’environnement papier-crayon

Dans l’étape s5-2-5 l’enseignant décide de faire réaliser sur le papier des schémas qu’il aurait pu faire tracer à l’ordinateur. Il s’agit de la forme du faisceau émergeant d’une lentille convergente, suivant que la source est placée avant, après le foyer principal objet ou sur lui. L’enseignant prend cette décision après un dialogue avec la classe où il utilise le modèle matérialisé, et qui ne lui donne pas satisfaction : les élèves semblent perdus, les réactions d’Emmanuel en sont une illustration (int. 5/189-191-193). La question en jeu était finalement ’est-ce que le faisceau émergent est plus ou moins convergent que le faisceau incident ?’. Il semble que le fichier tel qu’il était constitué ne permettait pas aux élèves d’apporter une réponse suffisamment claire. L’enseignant aurait pu faire modifier aux élèves le fichier de sorte que cette réponse soit plus aisée, par exemple en faisant tracer le prolongement du rayon incident dans l’espace image ; mais sans doute a-t-il jugé ne pas connaître assez le logiciel pour se lancer dans cette manoeuvre en cours de classe. A peut-être aussi joué la volonté de laisser une trace sur le cahier des élèves sur une question qui visiblement leur posait problème. Un inconvénient notable de l’utilisation d’un modèle informatisé, en effet, est que l’impression des figures réalisées par les élèves est pratiquement difficile dans le cadre de la classe ; ils n’en retirent donc aucun document consultable hors du temps de classe. Dans les versions suivantes de la séquence, l’enseignant a contourné ce problème en distribuant des polycopiés contenant de nombreuses captures d’écran de Cabri-géomètre.

Dans l’étape s9-1-5, où Emmanuel et Adeline commencent à utiliser seuls le logiciel pour répondre à la question posée, Adeline réinvestit dans la discussion de la figure sur l’écran une construction en environnement papier-crayon qu’elle a faite le matin même, chez elle en exercice, et surexpose à la figure représentée sur l’écran de l’ordinateur des tracés imaginaires. Dans la suite (étape s9-1-6) elle fait sur un papier le même schéma qu’à l’écran, en complétant son tracé et en produisant sa réponse dans ce contexte.

Dans la situation 15, après une phase de première découverte, l’enseignant provoque de même l’abandon du modèle informatisé et le passage en tracés papier-crayon, parce qu’il ne peut pas faire émerger dans le dialogue public la connaissance qu’il souhaite. Comme on le détaillera ci-dessous (page 167), cet échec semble lié à la mauvaise définition de l’objet, et l’abandon du modèle matérialisé traduit peut-être le sentiment (inconscient) chez l’enseignant que la représentation fournie par le modèle matérialisé est incapable de fournir une aide dans ce problème ; en effet la nature de l’objet n’est pas représentée sur le dessin, puisqu’il est à l’infini. Il est intéressant de noter que l’enseignant demande de tracer sur le papier le même schéma que celui qui se trouve sur l’écran de l’ordinateur, que d’ailleurs il le fera constater aux élèves à l’issue de cette phase (étape s15-2-1 int. 15/220), et qu’à l’issue de son raisonnement il demandera aux élèves si les résultats sont cohérents avec la manipulation qu’ils ont effectuée sur le modèle matérialisé (étape s15-2-3 int. 15/272). Mais le but de l’activité a changé : l’enseignant l’aborde en mettant l’accent sur le tracé des rayons (étape s15-2-1 int. 15/185), en fait donc une répétition de l’apprentissage des règles de construction des rayons émergents (int. 15/192-194), puis donne le sens en le reliant au champ expérimental supposé (int. 15/190-198). Tout se passe comme si devant l’échec de l’usage direct du modèle informatisé, l’enseignant déployait une stratégie qui consiste à décomposer la difficulté en utilisant des algorithmes que les élèves connaissent (le tracé de rayons, les formules mathématiques, de l’intervention 15/204 à l’intervention 15/290).

Cette analyse montre que l’articulation entre utilisation de l’ordinateur et tracé des constructions classiques dans un environnement papier-crayon gagnerait à être étudiée de près et à être soigneusement définie.