1.6 Le type de rétroactions du modèle matérialisé

La capacité du modèle matérialisé de répondre aux actions de son utilisateur non comme celui-ci le voudrait mais conformément aux lois de l’optique géométrique se manifeste à de nombreuses reprises. Dans plusieurs cas Emmanuel ou Adeline manifestent qu’ils en sont conscients.

Par exemple dans l’étape s5-2-1 Emmanuel avance que l’image d’un point A à travers une lentille convergente est symétrique du point ‘’par rapport à l’axe’’ (il veut probablement dire par rapport à la lentille). Quand ils ont ouvert le fichier, et sur la demande de l’enseignant, Emmanuel reconnaît qu’il s’était trompé (étape s5-2-1 int. 5/144). Quant à Adeline, au même moment, après avoir prédit que le faisceau émergent serait parallèle (étape s5-2-1 int. 5/98), elle constate que ce n’est pas le cas (étape s5-2-3 int. 5/148).

Dans l’étape s5-3-3, le rayon émergent auquel Emmanuel s’intéresse n’est pas parallèle à l’axe secondaire ; la raison en est que le point source est trop éloigné de l’axe optique et par conséquent on se trouve hors des conditions de Gauss. Emmanuel considère que l’intersection de la droite qu’il veut tracer comme axe secondaire et du rayon émergent a un sens physique de foyer image (int 6/607), et il veut tracer le plan focal image qu’il estime être le correspondant du plan focal objet (int. 5/571). Il utilise toutes les possibilités que lui offre le logiciel, y compris le déplacement de la partie de page visible à l’écran que l’observateur lui a montré quelques minutes auparavant (étape s5-2-9). Mais son utilisation du logiciel le détrompe : dans l’étape s5-3-4 il doit reconnaître que quand on déplace A sur le segment qui représente le plan focal objet, « t’obtiens pas un plan de l’autre côté » (int. 5/668). Il s’obstine, en traçant la perpendiculaire à l’axe optique passant par cette intersection d’un émergent quelconque et de l’axe secondaire (int. 5/674 à 682). Une fois qu’il a achevé la construction, il énonce que le plan focal image doit être symétrique du plan focal objet (int. 5/686). Il est remarquable qu’il renoue ainsi avec l’idée qu’il a énoncée au début de la situation (int. 5/100), et qui a été invalidée par l’enseignant (int. 5/147), et dont il a lui-même reconnu qu’elle était fausse (int. 5/144). Il propose le déplacement du point A comme technique pour vérifier la validité de sa construction et de son raisonnement (int. 5/688), et doit reconnaître qu’elle conduit à un échec (int. 5/690). On constate donc qu’Emmanuel mène un ensemble de stratégies que la résistance du milieu didactique rend toutes perdantes.

Dans l’étape s9-2-3, la réponse du modèle qui trace non l’image de l’objet mais l’image d’un point de l’objet est bien comprise par Emmanuel comme un rejet de son hypothèse de départ, qui le déstabilise quelque peu. Ce point sera amplement développé dans le paragraphe 5 ci-dessous.

Dans ces deux cas, le rôle de milieu que joue le logiciel consiste à réfuter les hypothèses de l’apprenant. Plus exactement, sa réponse est interprétée comme une réfutation par l’apprenant, qui attendait un certain événement, lequel ne se produit pas. L’apprenant en déduit qu’il a commis une erreur, mais il ne sait pas laquelle ; dans l’ensemble de connaissances qu’il a mobilisées pour faire sa prédiction, il ne sait pas choisir quelle est la connaissance erronée. Le milieu ne l’aide pas dans ce choix : le milieu (tel qu’il est organisé dans cette séquence d’enseignement autour des fichiers Cabri-géomètre) rend un oracle, sanctionne, mais ne guide pas. On peut le caractériser comme passif.

La question est ouverte de la constitution de milieux didactiques actifs, qui non seulement invalideraient les hypothèses fausses de l’apprenant, mais au terme d’une analyse de ses actions seraient capables de proposer des pistes de rectification.