4. les conséquences qu’on pourrait en tirer sur la séquence d’enseignement

Nous avons déjà mentionné à de nombreuses reprises les imperfections que l’usage avait révélées dans la séquence d’enseignement que nous avons conçue. Les modifications que notre analyse suggère portent sur deux directions, l’organisation du contenu et la mise en scène.

L’organisation du contenu pourrait utilement être modifiée suivant trois axes :

• Nous avions choisi de commencer la séquence par la présentation de l’image d’un objet à l’infini, une constellation ; ce choix avait pour but de fournir une introduction non axiomatique au concept de foyer principal image d’une lentille, et de le rattacher à un événement qui pouvait faire partie de la vie quotidienne des élèves. Sans doute vaudrait-il mieux aborder d’emblée, dans le cas d’un objet à distance finie qui pose moins de problèmes conceptuels aux élèves, la question de ce qu’est une image, et en particulier de sa netteté comme critère principal de l’obtention dans le monde des événements, et de point de passage de la lumière dans le monde du modèle de l’optique géométrique.

• Un certain nombre de connaissances sur les mécanismes de la vision peuvent être fournies ou rappelées aux élèves indépendamment des lois des lentilles, qui servent essentiellement pour la correction des défauts de l’oeil. On aurait intérêt à les introduire le plus tôt possible, en particulier dans l’explicitation de la netteté de l’image observée, en allant plus loin que la séquence proposée sur la granularité du récepteur et sa conséquence sur la profondeur de champ ou la latitude de mise au point.

• Le choix de la lunette astronomique comme instrument d’optique étudié avait l’avantage de revenir sur les objets à l’infini et un certain nombre de connaissances utilisées en début de la séquence. Mais on doit bien constater que c’est justement un sujet de difficulté pour les élèves, qui comprennent mal de quel objet on construit l’image. Un autre instrument, visant un objet à distance finie, fournirait également l’occasion de réinvestir des connaissances vues au cours de la séquence à un coût cognitif moindre ; par exemple l’oculaire d’un microscope fonctionne comme une loupe, et son objectif fournit une image agrandie comme une des deux positions mises en évidence dans la méthode de Bessel.

La mise en scène devrait plus rigoureusement délimiter les activités demandées dans chaque situation, et pour chacune s’assurer par des consignes appropriées :

• Que les élèves sont conduits à faire le lien entre le modèle matérialisé et les expériences de physique,

• Qu’ils auront besoin lors de leurs activités expérimentales de verbaliser d’autres connaissances que celles relatives aux objets et aux événements,

• Que leurs phases autonomes de travail n’ont pas besoin d’être découpées par des interventions de l’enseignant.

Il faut également trouver le moyen de prendre en considération, et d’enrayer, un mécanisme fondamental que cette étude révèle à plusieurs reprises : non seulement la dynamique du faire, à l’oeuvre dans les activités expérimentales, n’assure pas que l’élève ait compris les concepts physiques mis en jeu, parce qu’il ne fait pas le lien entre sa pratique expérimentale et le niveau théorique, mais de plus elle trompe l’enseignant sur la réussite de l’apprentissage chez l’élève. Le critère de réussite est l’achèvement des manipulations, l’obtention de la valeur correcte, le tracé des bons rayons ; par nature le cheminement intellectuel qui a conduit à ces succès apparents est inconnu de l’enseignant d’une part, et d’autre part ne garantit pas que les mêmes raisonnements seront conduits dans des contextes non expérimentaux. C’est ici le décalage entre les connaissances en actes que l’élève met en oeuvre dans les activités expérimentales et sa théorie propre qui limite l’efficacité de ces activités expérimentales dans l’apprentissage.

Ces propositions de modifications ne doivent pas faire oublier les aspects positifs de cette séquence d’enseignement utilisant un modèle matérialisé informatisé :

• Les élèves ont été motivés par cet outil, qu’ils ont su pour l’essentiel s’approprier,

• Ce modèle matérialisé a montré qu’il pouvait jouer le rôle de milieu didactique efficace,

• Il a facilité la réalisation de certaines expériences (par exemple la focométrie par la méthode de Bessel) particulièrement délicates d’habitude, montrant par là l’intérêt de l’utiliser de manière prédictive,

• Il a correctement traduit son statut de modèle, grâce à la fonction montrer/cacher de Cabri-géomètre, qui a permis aux élèves de constater que ce qu’ils voyaient à l’écran résultait de constructions concrétisant les lois de l’optique géométrique qu’on leur demandait d’apprendre,

• Il peut être utilisé aussi bien en séances de cours classique qu’en séances de Travaux Pratiques, il ne s’agit donc pas d’une utilisation de l’informatique étroitement liée aux activités expérimentales, comme peuvent l’être par exemple la plupart des utilisations des tableurs.

Enfin, la démarche qui a conduit à la construction de la séquence, collaboration entre des chercheurs et des enseignants, doit être maintenue, car elle contribue à inscrire la réflexion sur les savoirs, propre à la didactique, dans le champ des possibles institutionnels.