Dès ses premiers travaux Schumpeter [1912] suggéra l’existence de cinq types différents d’innovations :
Fabrication d’un bien nouveau aux yeux des consommateurs ou présentant une qualité supérieure (innovation de produit).
Introduction d’une méthode de production nouvelle (innovation de procédé).
Ouverture d’un nouveau marché.
Conquête d’une nouvelle source de matières premières.
Réalisation d’une nouvelle organisation industrielle (création d’un monopole via la création de trusts par exemple).
Malgré cet intérêt précoce pour la variété des formes d’innovation, le terme ’innovation’ est encore souvent employé de manière générique. C’est en particulier le cas de la distinction entre innovations de produits et de procédés. Cela tient à trois raisons principales :
La première est empirique. Elle s’explique par l’emploi d’indicateurs d’innovation tels que les dépenses de recherche et développement (R et D) et les dépôts de brevets à partir desquels il est difficile de distinguer clairement les innovations de produits des innovations de procédés. En outre, des difficultés liées à la diversité des définitions employées ont fortement complexifié les analyses allant parfois jusqu’à remettre en question l’intérêt de la distinction (Archibugi, Evangelista et Simonetti [1994]). C’est principalement avec le développement récent des enquêtes sur l’innovation et l’harmonisation des définitions qu’une analyse systématique des comportements innovants de produits et de procédés a pu être proposée.
dans un premier temps on considère que tous les produits à venir existent déjà potentiellement, mais que leur production effective est trop coûteuse pour qu’ils n’apparaissent ;
il ne reste plus qu’à en déduire, dans un second temps, que c’est la baisse du coût de production du bien potentiel qui permet son apparition ;
l’innovation de produit se comprend dès lors comme la conséquence implicite d’innovations de procédés préalables.
Cette assimilation logique a largement été utilisée dans le cadre des modèles micro-économiques (Tirole [1989], p.380) et macro-économiques de croissance, de commerce international et de progrès technologique endogène (Young [1991], [1993]). Le fait que l’innovation de produit puisse se ramener d’un point de vue logique à une innovation de procédé ne constitue pas pour autant une preuve que l’une et l’autre de ces formes d’innovations exercent les mêmes effets économiques, ni qu’elles ont les mêmes déterminants.
La troisième est théorique. Conscient des différences fondamentales qui séparent l’innovation de produit de l’innovation de procédé, des développements théoriques et empiriques ont été construits sur l’idée que les deux types d’innovations sont autonomes. On a ainsi une théorie de l’innovation de produit (dite de différenciation horizontale ou verticale) qui met l’accent sur les caractéristiques de la demande (en particulier le goût des consommateurs pour la qualité et la variété) et, d’autre part une théorie de l’innovation de procédé qui se focalise sur la concurrence par les coûts. Ces deux courants ont donné naissance à des développements bien distincts comme si les innovations de produits et de procédés constituaient deux comportements totalement indépendants. Or, ainsi que le montre un certain nombre de travaux théoriques et empiriques récents, cela n’est très certainement pas le cas : il existerait une forte interdépendance entre les comportements innovateurs de produits et de procédés (Athey et Schmutzler [1995], Cohen et Klepper [1996], Kraft [1990], Lunn [1986], Martinez-Ros et Labeaga [1999]). Cette interdépendance potentielle justifierait un traitement simultané de ces deux types d’innovations.