a. L’intérêt d’une étude conjointe des comportements innovants de produits et de procédés

Dans un esprit de synthèse, certains auteurs ont néanmoins proposé des analyses conjointes des innovations de produits et de procédés. Elles visent le plus souvent à mesurer et à comparer leurs impacts respectifs sur les agrégats économiques ou sur les performances des firmes. Ces travaux ont permis de souligner avec force l’intérêt pour l’économiste d’une distinction nette entre ces deux types de comportements innovants ainsi que d’un traitement théorique simultané. Les domaines concernés sont aussi variés que l’économie internationale, la macro-économie, l’économie du travail ou encore la micro-économie.

Les théories néo-technologiques du commerce international fondées sur le concept de cycle de vie du produit et plus généralement de cycle de vie de l’industrie (Vernon [1966], Magee [1977], Cantner et Hanusch [1993]) mirent très tôt en évidence l’importance décisive des innovations de produits initiées par la proximité des firmes avec la demande nationale auxquelles succéderaient des innovations de procédés dont le rôle serait secondaire et néanmoins essentiel pour définir les contours d’un cycle de vie1. Plus récemment les théories de la croissance endogène en économie ouverte ont quant à elles souligné l’importance combinée des innovations de produits et de procédés pour expliquer les différences internationales de croissance (Young [1991], [1993]). Les innovations de procédés permettraient dans un premier temps de réduire les coûts généraux de production dans l’économie. Suite à cette baisse des coûts le développement de produits plus sophistiqués deviendrait alors possible. Ces derniers ouvriraient à leur tour de nouvelles opportunités d’innovations de procédés. D’un point de vue normatif, selon leur importance respective dans l’économie, les innovations de produits et de procédés seraient aussi susceptibles d’induire des différences potentielles de bien-être. En particulier, l’optimum social ne serait pas spontanément atteint du fait de conditions d’appropriabilité non seulement imparfaites mais aussi variables selon le type d’innovation considéré (Levin, Klevorick, Nelson et Winter [1987]). La question de leurs rendements social / privé respectifs se poserait alors clairement (Mansfield, Rapoport, Romeo, Wagner et Breadsley [1977]). Des actions de politique économique tant en situation d’économie fermée que d’économie ouverte seraient ainsi envisageables (essentiellement via des politiques de brevets) pour faire tendre l’économie vers un bien être collectif maximum (Eswaran et Gallini [1996], Marjit et Beladi [1998]).

Dans des perspectives plus sectorielles et essentiellement centrées sur des questions d’emploi, des études théoriques et économétriques récentes ont souligné l’impact du type d’innovation non seulement sur le niveau de l’emploi (Rottmann et Ruschinski [1997]) mais aussi sur sa structure (Caballero et Hammour [1996]). En particulier, pour la France et dans le cadre de l’industrie manufacturière, on observerait un biais des innovations radicales de produits en défaveur de la main d’oeuvre non qualifiée (Duguet et Greenan [1997], Huiban et Bouhsina [1997]).

D’un point de vue micro-économique l’adoption de comportements innovants de produits ou de procédés expliquerait une partie des différences de performances économiques observées entre firmes telles qu’elles peuvent être mesurées par leurs profits, leur croissance ou leur niveau d’exportation (Link et Lunn [1984], Capon, Farley, Lehmann et Hulbert [1992], Gomulka [1990], Klepper [1996], Albach et MacDonald [1989], MacPherson [1994], Nicolas [1996]). En outre, l’adoption de comportements innovants de produits ou de procédés exposerait les firmes à des situations d’asymétrie informationnelle particulières (Shieh [1993]2).

Notes
1.

Pour une tentative de test empirique sur ce sujet voir Lee et Stone [1994].

2.

Le cas typique est celui où une firme innove en procédés afin de réduire ses prix alors que la qualité du bien qu’elle produit est indiscernable avant achat. Le consommateur peut interpréter une baisse de prix comme le signal d’une qualité moindre alors qu’il est uniquement lié à une innovation de procédés.