La concentration stimulerait l’innovation de procédé

Cette relation positive entre innovation de produit et concentration a par la suite été remise en question par Lunn (Lunn [1986], Lunn [1987]) qui se fonde sur des statistiques de brevets16. Sans doute faute de données adéquates, plutôt que de se pencher explicitement sur les déterminants des innovations de produits et de procédés, l’auteur étudie les déterminants du comportement de dépôt de brevets de produits et de procédés. Dans le cadre d’un modèle d’équations simultanées entre structures de marché et types d’innovations, il met en évidence l’existence d’une hétérogénéité substantielle entre les déterminants des comportements de dépôts de brevets pour les produits et les procédé eu égard à la concentration et au type de secteur considéré (haute / faible intensité technologique). Dans ces deux études Lunn [1986], [1987] note que :

L’auteur explique alors cette relation positive entre dépôt de brevets sur les procédés et concentration comme suit : Si le brevet est un bon moyen de protection pour les innovations de produit ce n’est pas le cas pour les innovations de procédés (dans leur cas le secret semble plus efficace). Lorsque le pouvoir de marché des firmes augmente (mesuré par la concentration) il ne tend pas à améliorer substantiellement l’efficacité du brevet pour les produits (qui est déjà élevée). Par contre, l’accroissement du pouvoir de marché qui peut se présenter comme un substitut à des défaillances du système de protection légal permettrait aux firmes de plus innover en procédés (Lunn [1986], p.744).

Faisant cette fois-ci référence à l’impact du type d’innovation sur les structures de marché, Lunn conclut ainsi son article de 1986: ’Schumpeterian paradigm is valid, at least with respect to process innovations. It is market structure and process innovations that are related, and not market structure and product innovation. [...] process innovation has the greater effect on the underlying structure of American industry’, Lunn [1986], p.328.

Cette conclusion peut sembler fragile car l’auteur étend des conclusions faites sur les ’déterminants du comportement de dépôt de brevets pour les produits et procédés ’ aux ’ déterminants des comportements d’innovations de produits et de procédés ’.

A la même époque, Zimmermann [1987] à partir de données d’enquête17 allemandes collectées par l’IFO sur la période 1981-82 semble confirmer cette relation positive entre innovation de procédés et concentration. Il précise néanmoins que la relation ne se vérifierait que pour les firmes exportatrices. Le lien entre l’innovation de produit et la concentration serait par contre non significatif quel que soit le type de firmes considérées. Cette thèse s’est trouvée étayée par les travaux de Baldwin, Hanel et Sabourin [1999] qui exploitent une base de données construite en 1993 à partir d’une enquête auprès des firmes canadiennes. Selon cette enquête, l’accroissement de la concentration18 entraînerait une augmentation de la probabilité d’innovation en procédés et en produits & procédés substantiellement plus importante que celle d’innover en produits.

Notes
16.

Il utilise un classement de 15112 brevets accordés aux Etats-Unis à des firmes américaines entre juin 1976 et mars 1979. Il s’intéresse aux totaux par firme. Croisement avec d’autres sources de données COMPUSTAT et the census bureau of manufacturing.

17.

Les innovations de produits et de procédés y sont identifiées par des réponses binaires à des questions du type « innovez-vous en produit ? : 0/1 » « Innovez-vous en procédé 0/1 ? ».

18.

La concentration est mesurée par trois variables muettes qui représentent le nombre de firmes présentes dans le secteur : 5 concurrents ou moins ; 6 à 20 ; plus de 20.