a. Les difficultés d’appropriation des innovations de produits

Mansfield [1985]30 a mené une première étude faisant état d’une divulgation beaucoup plus rapide des informations concernant les produits que de celles portant sur les procédés. Son travail repose sur une enquête réalisée en 1981 auprès de 100 firmes américaines réalisant plus de 1 million de dollars de R et D. Deux questions sont explorées :

  • ’nombre de mois avant que la décision de développer un nouveau produit ou un nouveau procédé soit connue des concurrents” (number of months before the firm’s decision to develop a major new product or process is reported to be known to its rivals), p.218

  • ’nombre de mois (après développement) avant que les caractéristiques et les opérations de production du nouveau produit ou procédé soient connues des concurrents” (“number of months (after development) before the nature and operation of a new product or process are reported to be known to the firm’s rivals’), p.220

Les résultats de l’auteur sont très clairs :

  • Dans quasiment tous les cas les informations concernant les innovations de procédés se diffusent plus lentement. Cela confirme les observations de Levin, Klevorick, Nelson et Winter [1987].

  • Pour les produits, 44% des firmes déclaraient avoir connaissance de la fuite d’information vers leurs concurrents moins de 1 an après la décision de développer le projet alors que pour les procédés elles n’étaient que 33%.

En ce qui concerne les informations relatives aux opérations de production :

  • pour les nouveaux produits, 70% des firmes déclarait avoir connaissance de fuites auprès de leurs concurrents moins de un an après le début du développement,

  • pour les nouveaux procédés 41% des firmes déclaraient avoir connaissance de la fuite auprès de leurs concurrents moins de un an après le début du développement.

Les informations relatives aux produits et aux procédés ne circulent donc pas à la même vitesse : les informations relatives aux innovations de produits semblent beaucoup plus mobiles que celles liées aux procédés : L’appropriation des connaissances technologiques relatives aux nouveaux produits serait donc plus difficile que celles portant sur les nouveaux procédés.

Alors que l’analyse de Mansfield se penche sur la diffusion de l’information Levin, Klevorick, Nelson et Winter [1987] traitent explicitement de l’imitation. Ils ont ainsi interrogé les individus sur le temps et le coût de duplication d’une innovation de produit et de procédé.

Dans tous les cas (innovations de produits ou de procédés, innovations mineures ou majeures) les brevets augmentent au niveau sectoriel les coûts de la duplication ainsi que le temps d’imitation. Néanmoins, les produits demeurent en moyenne moins chers et plus rapides à imiter. Ceci tiendrait vraisemblablement au fait selon Levin, Klevorick, Nelson et Winter [1987] que le niveau d’efficacité des différentes sources d’apprentissage31 dont disposent les imitateurs potentiels est plus élevé pour les produits que pour les procédés nous renvoyant alors aux travaux sur ’L’origine des opportunités technologiques’ qui seront présentés dans la seconde section de ce chapitre.

Notes
30.

Voir aussi Mansfield, Schwartz et Wagner [1981] (sur les innovations de produits) et pour plus de détails sur les différences d’appropriation entre produits et procédés voir Mansfield, Rappoport, Romeo, Villani et Husic [1978]. De manière plus générale pour un survey sur les études sur l’appropriabilité voir Geroski [1995] et Le Bas [1999].

31.

Levin, Klevorick, Nelson et Winter [1987] envisagent comme moyen d’apprentissage les sources de connaissances technologiques suivantes : ’licensing technology’, ’patent disclosure’, ’publications or technical meeting’, ’conversations with employees of innovating firms’, ’hiring employees from innovating firms’, ’reverse engineering of product’, ’independent R&D’. Ils soulignent comme Pavitt [1984] l’importance primordiale de le R et D interne.