b. Les sources externes à l’industrie.

Outre la contribution des champs scientifiques aux progrès technologiques, il existe d’autres sources de progrès qui trouvent leur origine en dehors de l’industrie bénéficiaire. Nous parlerons de ’spill-overs’ intersectoriels. Ils peuvent se manifester à différentes occasions :

  • Lors de l’apparition de nouveaux composants génériques, de nouveaux processus de production et de nouveaux biens d’équipements. Ces nouveaux inputs proviennent souvent des industries situées en amont. Ils permettent d’améliorer les caractéristiques des produits (cela induit des innovations / améliorations de produits).

  • Lors de l’apparition de nouveaux instruments de mesure qui interviennent comme facteurs de production dans les activités de R et D. Ils permettent ainsi d’étendre le champ d’investigation accessible à la R et D.

  • Via la remontée d’information en provenance des utilisateurs.

  • Via l’effet d’entraînement suscité par les utilisateurs lorsqu’ils réalisent des progrès technologiques.

  • En dehors de la filière de production au travers d’institutions scientifiques publiques (laboratoires, universités, centres techniques,...), des centres professionnels, des inventeurs indépendants.

Une vaste littérature se développe actuellement sur le sujet, principalement fondée sur des indicateurs de R et D ou de brevets (Ducharme et Mohnen [1996], Mohnen [1997], Négassi [1997], Bergeron, Lallich et Le Bas [1998], Bellet et Lallich [1999]). Ces analyses permettent à la fois de décrire les flux de connaissances technologiques entre secteurs et nous renseignent de manière très générale sur le rendement social et privé de la recherche. Elles ne proposent en revanche pas d’analyse spécifique des innovations de produits et de procédés ou bien en adoptent une définition sectorielle37 incompatible avec celle qui sous-tend notre approche. La démarche de Klevorick, Levin, Nelson et Winter [1995] est très différente puisqu’ils abordent la question des ’spill-overs’ d’un point de vue essentiellement qualitatif en s’interrogeant sur la nature de leurs vecteurs. Ils considèrent ainsi l’impact des relations avec les fournisseurs de matériaux, les fournisseurs d’équipements, les utilisateurs, les universités et les laboratoires publics. Leurs résultats font état d’une grande proximité entre les sources externes à l’industrie qui agissent sur les innovations de produits comme de procédés ainsi que le montre le tableau suivant (Tableau 4) :

Tableau 4 : Les opportunités technologiques externes à l’industrie
Niveau de significativité du coefficient de corrélation entre:
Sources d’opportunités R et D / Chiffre d’affaires Innovations de procédés* Innovations de produits*
Contributions externes
Forunisseurs de matériaux 0 ++ ++
Fournisseurs d’équipements - ++ 0
Utilisateurs + ++ ++
Recherche universitaire ++ ++ ++
Laboratoires publics ++ ++ ++
* La variable mesurant les innovations de produits et de procédé est le niveau d’innovation perçu par les individus interrogés depuis le début des années 70. (1 = lent, 7 = très rapide).
++ : corrélation positive et significative au seuil de 0.01
+ : corrélation positive et significative au seuil de 0.05
- : corrélation négative et significative au seuil de 0.05
Source : Klevorick, Levin, Nelson et Winter [1995], p.202

On ne trouve de différence entre innovations de produits et de procédés qu’en ce qui concerne les fournisseurs d’équipement dont la proximité semble induire un nombre substantiel d’innovations de procédés mais pas d’innovations de produits.

Cette analyse est tempérée par celle de Pavitt [1984] dont la méthodologie particulière aboutit à la mise en évidence de flux de connaissances technologiques spécifiques entre secteurs selon qu’ils sont ’fondés sur la science ’, ’dominés par les utilisateurs ’, ’fournisseurs spécialisés ’ ou à ’rendements d’échelle ’. Chacun de ces types de secteur est caractérisé par des connaissances technologiques dont les sources sont différentes :

  • Les secteurs dominés par les fournisseurs (’supplier-dominated’) qui trouvent leurs technologies auprès d’autres secteurs utilisateurs ou fournisseurs. Lorsque les firmes innovent c’est plutôt en procédés.

  • Les secteurs de production de masse (’scale-intensive’) quant à eux produisent une grande part de leur technologie par leurs propres moyens (R et D) qui vise à améliorer les produits comme les procédés, mais les innovations tendent plutôt à être de type procédés.

  • Les secteurs qui constituent des offreurs spécialisés (’specialised suppliers’). Ils sont particulièrement liés aux secteurs de production de masse en réalisant, pour eux, des biens très spécialisés. Ainsi, l’innovation se fait plutôt sur les produits par l’utilisation de connaissances scientifiques et de savoir-faire spécifiques pour satisfaire le client qui joue un rôle actif dans l’innovation.

  • Les secteurs fondés sur la science (’science based’) s’appuient quant à eux directement sur les avancées scientifiques fondamentales d’origines publiques. L’innovation peut aussi bien concerner les produits que les procédés.

Suivant cette logique, les ’spill-overs ’ intersectoriels en fonction de leur provenance induiraient le développement sélectif de comportements innovants de produits, de procédés ou de produits & procédés comme l’illustre le tableau suivant.

Tableau 5 : Les sources d’opportunités technologiques et types de comportements innovants
Source des opportunities Innovation de produit Innovation de procédé Innovations de produits & procédés
Fournisseurs d’équipements +
Utilisateurs +
Science + + +
Source : A partir de Pavitt [1984]

Notes
37.

introduction générale.