Les feed-backs en provenance de l’activité technologique

Les opportunités technologiques peuvent aussi trouver leur origine dans la dynamique des progrès déjà accomplis par l’industrie : il s’agit des “feed-backs” du progrès technologique sur lui-même. Ces feed-backs traduisent le fait que dans un certain nombre d’industries ’‘today’s research also generates new starting points and new knowledge, which enrich technical opportunities for tomorrow. Furthermore, what a firm learn from its own R&D may be augmented by feed back from other firms that make or use the new product or new process’ ’. Klevorick, Levin, Nelson et Winter [1995], p.192. Ces feed-backs s’apparentent soit à des ’Compulsive sequences 38 , soit à la création de nouvelles connaissances et/ou opportunités en réaction à des progrès précédents. Deux approches se sont alors développées selon que les externalités sont essentiellement considérées d’un point de vue quantitatif ou bien qualitatif. L’approche quantitative met essentiellement l’accent sur les externalités intra-industrielles de R et D dans une perspective marshallienne39. L’approche qualitative souligne le fait que si ces mécanismes de feed-back sont suffisamment forts et bien définis alors le développement technologique peut se faire le long de ce que Nelson et Winter nomment des ’trajectoires naturelles’ : les firmes d’un secteur vont avoir tendance à systématiquement privilégier les mêmes formes d’améliorations technologiques. Dans ce cadre d’analyse, le terme trajectoire fait référence ‘’to the path of improvement taken by that technology, given technologists’ perceptions of opportunities, and the market and other evaluation mechanisms that determined what kinds of improvements would be profitable’ (Dosi et Nelson [1994], p.161). En fait, le concept de trajectoire naturelle traduit le caractère auto-corrélé des progrès technologiques et l’exploration de trajectoires relativement stables de progrès technologiques dans lesquelles les agents ne procèdent pas à des explorations myopes de leur environnement technologique. ‘’In some situations, they argue (Nelson et Winter [1982]), technological advance proceeds fairly steadily in a relatively clear direction and does not lurch myopically from one bottleneck to the next. Certain engineering heuristics develop in these industries and these are used and strengthen to solve a particular problem’ (Klevorick, Levin, Nelson et Winter [1995], p.192).

En adoptant une approche qualitative des feed-back intrasectoriels comme le font Klevorick, Levin, Nelson et Winter [1995] il est possible de considérer que la recherche systématique et intentionnelle d’innovations de produits ou de procédés dans certains secteurs constitue la manifestation de trajectoires technologiques sectorielles sous-jacentes :

Une distinction peut alors être établie entre la rapidité du changement technologique sectoriel en ce qui concerne les produits et les procédés (output du processus innovant) et la nature des trajectoires qui traduisent un input en termes d’intentionnalité de la part des agents économiques. L’intentionnalité (tournée vers les produits et / ou les procédés) intervient comme input du progrès technologique. Ainsi que le montre le tableau suivant, différentes dynamiques sectorielles endogènes caractérisent les secteurs tournés vers les innovations de produits de ceux axés sur les procédés (Tableau 6):

Tableau 6 : Trajectoires technologiques sectorielles et types d’innovations
Niveau de significativité du coefficient de corrélation entre:
Trajectoire naturelle R et D / Chiffre d’affaires Innovations de procédés* Iinnovations de produits*
Changement d’échelle 0 ++ +
Mécanisation / automatisation - ++ +
Amélioration des rendements 0 ++ +
Amélioration des intrants 0 ++ ++
Du batch vers le continu 0 ++ 0
Changments dans la dimension du produit ++ ++ ++
Amélioration des caractéristiques physiques 0 ++ ++
Amélioration des performances ++ ++ ++
Evolution en direction de la standardisation 0 ++ 0
Adaptation pour des segments de marché 0 0 ++
Production à la comande - 0 ++
* La variable mesurant les innovations de produits et de procédé est le niveau d’innovation perçu par les individus interrogés depuis le début des années 70. (1 = lent, 7 = très rapide).
++ : corrélation positive et significative au seuil de 0.01
+ : corrélation positive et significative au seuil de 0.05
- : corrélation négative et significative au seuil de 0.05
Source : Klevorick, Levin, Nelson et Winter [1995], p.202

On distingue trois groupes de facteurs explicatifs de l’équilibre produit – procédé :

Les facteurs qui affectent les innovations de produits mais pas les innovations de procédés et inversement sont essentiellement liés à la demande. On observe donc une opposition entre d’une part des facteurs techniques qui stimulent à la fois les innovations de produits et de procédés et des facteurs liés aux conditions de demandes qui affectent sélectivement les produits ou les procédés selon leur nature.

Il existerait donc un lien étroit mais asymétrique entre les innovations de produits et de procédés :

Notes
38.

Lorsqu’un goulot d’étranglement est surmonté cela génère de nouveaux problèmes techniques qui doivent être résolus si l’on veut pleinement tirer parti de l’innovation initiale (séquence goulot d’étranglement / découverte, ’bottleneck / breackthrough’).

39.

A notre connaissance le travail de Levin et Reiss [1988] constitue la principale tentative empirique de comparaison des niveaux d’externalités intra et inter-industrielles en matières d’innovations de produits et de procédés. Ils n’obtiennent cependant pas de résultats empiriques probants.