a. La démarche

Athey et Schmutzler [1995] proposent d’étudier l’impact de la flexibilité sur l’apparition des innovations de produits et de procédé en développant un modèle à deux périodes permettant d’expliciter les conditions minimales qui assurent une complémentarité entre les innovations de produits et de procédé 44. De façon plus générale c’est la question des propriétés des formes organisationnelles qui va être soulevée.

Les notation sont les suivantes :

  • η{d, t} avec d = design (produit) et t = technologie (procédé).

  • aη∈{0, 1} désigne le choix d’une firme de mettre en oeuvre une innovation de type η
    • avec aη=0 si la firme décide de ne pas mettre en oeuvre une innovation de type η,

    • avec aη=1 si la firme décide de mettre en oeuvre une innovation de type η

  • Aη(aη, fη) est la fonction qui représente le coût d’ajustement subit par l’entreprise si elle innove dans la dimension η, fη est l’investissement que la firme consent afin de devenir plus flexible pour la mise en oeuvre d’innovations de type η.

  • rη est le rendement qu’il y a à ajuster la production dans chacune des dimensions, ce rendement est entre autres fonction des efforts de recherche de la firme dans chaque direction.

  • Q est la production que la firme décide de réaliser.

  • La fonction inverse de demande est P(Q, ad, rd)

  • La fonction de coût moyen est C(Q, at, rt).

Dans un premier temps, et dans une perspective de long terme, les firmes décident :

  • De leurs niveaux d’investissement en flexibilité de produit et de procédé (fη).

  • Des niveaux de recherche qu’elles engagent en produit et/ou en procédé (rη).

Les variables rη et fη 45 sont inertielles car elles dépendent de variables organisationnelles :

  • La flexibilité de produit dépend des formes de compétences des personnels (Cohen et Levinthal [1990], Leiponen [1996]), de la coordination des travailleurs, des formes de mobilité interne (Clark et Fujimotto [1987]), des relations aux clients (Lundvall [1988], Von Hippel [1977]), ...

  • La flexibilité de procédé est fonction de la nature des équipements et de leurs possibilités de redéploiement dans d’autres contextes ainsi que des capacités de communication des personnels chargés des procédés.

  • Les capacités de recherche en produits comme en procédés dépendent non seulement du volume financier investis mais aussi de la constitution de laboratoires, du recrutement de personnels spécifiques dont l’efficacité n’est pas immédiate mais nécessite des apprentissages, la création de liens avec les fournisseurs et les clients, ... . La constitution de capacités de recherche en produits et en procédés implique donc le développement de capacités absorptives spécifiques.

Dans un second temps, conditionnellement aux choix de long terme qui ont été faits dans le premier temps (i.e. à niveaux de flexibilité et de recherche donnés), les firmes mettent en oeuvre les innovations qui leur semblent être les plus profitables. Il s’agit là des choix de court terme : mettre en oeuvre ou non les innovations de produits et/ou de procédés rencontrées.

Le schéma décisionnel est donc le suivant :

message URL FIG05.gif
Figure 5 : Schéma décisionnel en deux périodes (Athey et Schmutzler [1995]).

Les auteurs reprennent la démarche de Milgrom et Roberts [1990] qui consiste à expliciter les hypothèses mathématiques minima suffisantes telles que l’on puisse observer une complémentarité entre les innovations de produits et de procédés à court terme (décision de mettre en oeuvre ou non l’innovation) aussi bien qu’à long terme (décision d’investir en recherche et en flexibilité). Pour que cette complémentarité se vérifie, il faut que les fonctions de profits de court terme et de long terme soient supermodulaires46.

Notes
44.

L’analyse des complémentarités est menée sur la base de la méthodologie développée par Milgrom et Roberts [1990] dans le cadre de leur travaux sur l’impact des nouvelles technologies de l’information sur l’organisation de l’information et de la production dans les firmes.

45.

Selon la terminologie de Cohendet et Llerena [1989] nous pourrons définir fη comme une ’flexibilité interne’ ou ’organisationnelle’ dans la mesure où elle ’qualifie le degré de contrôle de la firme sur ses structures productives’ p.11.

46.

“ Une fonction est supermodulaire par rapport à ses arguments si, pour chaque paire de variables, l’accroissement de l’une des deux variables accroît le rendement qu’il y a à augmenter l’autre variable. De telles paires de variables sont dites complémentaires ” , Athey et Schmutzler [1995], pp.562.