La première étape du travail de Athey et Schmutzler [1995] consiste à expliciter les conditions qui à niveau de flexibilité et de recherche donné (flexibilité fη et effort de recherche rη fixés) assurent la supermodularité du profit de seconde période Π2 en (ad, at, Q)47. Pour cela les auteurs démontrent qu’il suffit que la mise en oeuvre d’une innovation de produits accroisse le revenu marginal et que celle d’une innovation de procédés réduise le coût marginal. Autrement dit, ad, at et Q devraient être fortement corrélées de sorte que les firmes de grande taille (Q fort) soient aussi celles qui développent le plus d’innovations de produits & procédés. Ainsi, lorsque les choix optimaux de seconde période (ad*, at*, Q*) sont monotones non décroissants en fonction du rendement des innovations de produits et de procédés (rd, rt) et en fonction de la flexibilité (fd, ft), alors un accroissement de la flexibilité et / ou du rendement des innovations stimule conjointement l’apparition d’innovations de produits, de procédés et les quantités produites.
La seconde étape est plus problématique. Elle consiste à définir les conditions dans lesquelles le profit de première période est supermodulaire en fonction des arguments qui le composent (fd, ft, rd, rt). Cet exercice repose sur des hypothèses plus fortes. En particulier :
les investissements en flexibilité de produits et de procédés ne sont pas antagonistes (ils ne sont pas sur-additifs). Ils sont soit indépendants soit complémentaires. Dans le cas d’un trade-off (i.e. suradditivité) ces conclusions ne sont en revanche plus garanties. Cohen et Levinthal [1990] en particulier soulignent que d’un point de vue cognitif le développement des innovations de produits repose sur des compétences variées afin de capter les opportunités du marché tandis que le développement des innovations de procédés repose plutôt sur des compétences très spécialisées appliquées à des problèmes internes. Une sorte de ’trade-off inward-looking vs. outward looking’ peut alors apparaître lors du développement de ces deux types de compétences. On retrouve la même conclusion dans le travail empirique de Capon, Farley, Lehmann et Hulbert [1992].
Les lois de probabilités que suivent les innovations de produits et de procédés sont indépendantes ou positivement corrélées mais en aucun cas négativement corrélées. Cette hypothèse semble particulièrement fragile au regard des observations faites par les travaux sur le cycle de vie des produits qui soulignent une opposition systématique entre l’apparition des innovations de produits et de procédés au cours du cycle de vie de l’industrie (Klepper [1996], Utterback et Abernathy [1975]). Par le biais de variables tierces (les phases du cycle de vie, les conditions d’appropriation, ...) les distributions de probabilités des innovations de produits et de procédés seraient négativement corrélées, remettant ainsi en question la supermodularité de la fonction de profit et donc l’existence de complémentarités entre les innovations de produits et de procédés.
Ceci signifie que l’effet direct des variables exogènes déterminées en première période (i.e. fη et rη) sur les variables endogènes déterminées en seconde période (ad, at, Q) est renforcé par l’effet indirect et positif des variables entre elles (c’est à dire par l’effet qu’exercent ad, at et Q entre elles).