a. Lieux économiques d’exploration et de mise en oeuvre des solutions

Fondamentalement les instances qui interviennent dans l’estimation de la valeur économique des solutions apportées aux questions sur les fins et sur les moyens ne sont pas les mêmes :

  • les ’fins’ se définissent par rapport à la demande (selon des critères externes à la firme) car l’utilisation finale de l’innovation est externe au producteur (c’est un service rendu),

  • les ’moyens’ se définissent par rapport à l’entreprise qui doit les mettre en oeuvre pour atteindre les ’fins’ qu’elle s’est fixée. La valorisation de ces innovations est donc interne.

Plus précisément, suivant en cela la démarche de March [1991] nous pouvons donc distinguer les lieux économiques de recherche de solution (d’exploration) des lieux de mise en oeuvre des solutions :

  • Les questions relatives aux fins (suscitant des innovations de produits) seraient associées à une exploration interne mais destinées à une mise en oeuvre externe (d’où l’importance critique des liens aux utilisateurs).

  • L’innovation de procédé résulterait quant à elle principalement d’une exploration et d’une mise en oeuvre interne (d’où son association au phénomène d’apprentissage par la pratique).

Cette typologie permet aussi de prendre en compte les innovations incorporées aux équipements et les opportunités du milieu dans lequel évoluent les firmes. En effet, les innovations incorporées aux investissements peuvent être considérées comme le fruit d’une exploration externe à la firme qui fait l’objet d’une mise en oeuvre interne. Les opportunités de l’environnement dans lequel évolue la firme sont perçues comme le fruit d’explorations externes et de mises en oeuvre externes comme l’indique la Figure 8 :

Figure 8 : Lieux économiques d’exploration et de mise en oeuvre des innovations de produits et de procédés
Mise en oeuvre Externe Innovation de produit Caractère innovant de l’environnement
Opportunités d’innovations de l’environnement
Interne Innovation de procédé Innovations incorporées aux investissement
Interne Externe
Exploration
Source : à partir de Pearson [1991]

Cette figure permet de souligner les difficultés de coordinations spécifiques que doivent surmonter les firmes en fonction de leurs comportements innovants :

  • Dans le cas de l’innovation de procédé les difficultés de coordination interne (essentiellement entre la conception et la production) seraient bien plus importantes que celles de coordination externe dans la mesure où la mise en oeuvre et la recherche de solutions se font au sein même de la firme. La coordination externe serait moins déterminante et concernerait principalement les fournisseurs d’équipement.

  • Dans le cas de l’innovation de produit en revanche les problèmes de coordination externe principalement entre les lieux d’exploration et de mise en oeuvre (utilisateur-producteur) occuperaient une place décisive. Les questions de coordination interne seraient secondaires et concerneraient essentiellement la R et D et le marketing.56

  • Dans le cas des innovations de produits & procédés les firmes seraient simultanément confrontées à des difficultés de coordination interne et externe, les exposant ainsi comme nous le montrerons plus loin à ce que Cohen et Levinthal [1990] qualifient de ’ trade-off inward looking outward looking ’.

En tout état de cause, comme nous le montrons dans le point suivant, ces différentes configurations n’induisent pas les mêmes degrés d’incertitude en ce qui concerne l’issue des processus résolutoires engagés.

Notes
56.

Sur la base d’une analyse empirique Leiponen [1997] montre que par contraste avec les innovations de procédés l’innovation de produit, pour être profitable, doit mobiliser des compétences humaines plus diversifiées (pas forcément plus qualifiées) à l’origine d’interactions internes aux firmes et avec leur environnement.