a. Les principaux attributs des connaissances technologiques

Traditionnellement le progrès technologique s’assimile à ‘’une amélioration des instructions qui servent à combiner entre eux les matériaux’’ (Romer [1990], p.72). Ce progrès est supposé gratuitement mis à disposition d’agents économiques qui évoluent dans un univers dépourvu d’incertitude. Les connaissances technologiques qui composent le progrès technologique se caractériseraient alors par différents attributs très proches de ceux de l’information à la différence près que ces connaissances technologiques seraient par hypothèse cumulatives (Romer [1990], pp.73-74 ; Guellec et Ralle [1995], pp.65-66). Trois principaux attributs sont ainsi évoqués :

  • Non-exclusivité : on ne peut pas s’approprier la connaissance ; elle se diffuse sans coûts dans l’économie, même involontairement, vers les concurrents ou par le biais des complémentarités techniques entre industries apparentées (‘’cross industries spill-over’’) qui profitent chacune du progrès de l’autre. Des dépenses de recherches sont donc impensables puisque aucun agent ne peut s’en approprier les résultats ni en tirer une rente qui puisse les finances (Romer [1986], p.1016).

  • Non-rivalité : son utilisation simultanée par divers individus est concevable, elle n’entame pas non plus ses qualités.

  • cumulativité : les progrès futurs se fondent sur ceux passés, il y a complémentarité dans le temps des savoirs. Cette hypothèse dispense les auteurs d’examiner plus en détail les phénomènes d’apprentissage qui définissent l’ampleur des complémentarités et les moyens de son exploitation.

A l’opposé, dans une conception évolutionniste les attributs de la connaissance technologique sont définis selon trois oppositions fondamentales (Dosi [1988]a) auxquelles Saviotti [1996] propose d’ajouter une quatrième dimension (voir Figure 9) :

  • Premièrement la connaissance peut avoir un champ d’application général, ou au contraire local. La distinction entre ces deux attributs se fonde donc sur l’étendue des problèmes potentiellement solubles grâce à l’emploi des connaissances considérées.

  • En second lieu tantôt la connaissance peut faire l’objet d’une présentation formelle (ou codifiée) tantôt c’est impossible : on parle alors de connaissances tacites 65 qui sont le plus souvent à caractère organisationnel (le savoir coopérer, savoir-faire,... : Lundvall [1994]) et ne peuvent être partagées que sur la base d’une expérience commune des individus (Dosi [1988], p.1126).

  • Troisièmement, la connaissance peut soit être à caractère public (accessible à tous) ou au contraire à caractère privé (en propre) du fait d’une diffusion impossible ou difficile (coût, temps, protection légale, ...).

  • Finalement, Saviotti [1996], propose de distinguer les connaissances spécifiques de celles non spécifiques selon que l’efficacité de leur emploi est plus ou moins fortement liée au contexte qui a présidé à leur développement.

Figure 9 : Une typologie des attributs des connaissances technologiques
Générales Locales
Formelles Tacites
Publiques Privées
Spécifiques Non spécifiques
Source : Saviotti [1996], p.171

Ces différentes dimensions de la connaissance technologique ne sont pas orthogonales. Par exemple, une connaissance technologique sera d’autant plus privée qu’elle est spécifique locale et tacite. On notera que l’opposition public / privé s’inscrit directement dans les débats sur l’appropriation. Cette dimension n’est pas totalement réductible à une combinaison des autres dimensions du simple fait qu’il existe un système légal de droits de propriété dont les règles sont fixées de manière relativement exogène.

Réexploitant cette typologie, il est possible de montrer que les connaissances technologiques qui accompagnent le développement des innovations de produits et de procédés ne présentent pas les mêmes attributs.

Notes
65.

L’adjectif tacite fait ici référence ’aux éléments de la connaissance, de la vision des choses et bien d’autres encore que les individus détiennent. Ils sont mal définis, non codifiés, non publiés, ils diffèrent de personne à personne. De plus, les individus ne peuvent pas les exprimer entièrement. Pourtant, ces éléments peuvent faire l’objet d’un partage important entre collaborateurs et collègues qui ont une même expérience’. (Dosi [1988], p.1126)