Le ’know why’ correspond aussi à de l’information comme le ’know what’, à la différence près qu’il doit faire l’objet d’une procédure d’assimilation particulière (i.e. sa structure causale doit être comprise) et que dans la majorité des cas il est universel. Son développement est essentiellement assuré par des organismes publics de recherche compte tenu de son caractère public. La véritable assimilation de ce type de savoir se fait grâce à du personnel qualifié et permet son redéploiement opportun lorsque le contexte s’y prête. Le capital humain se présente alors comme un facteur complémentaire du ’know why’. A condition de bénéficier des ressources humaines nécessaires, toutes les firmes sont supposées bénéficier d’un accès équivalent à ce type de connaissance.
Dans le cas des produits la connaissance scientifique porte soit sur les principes techniques qui sous-tendent le développement de nouveaux produits, soit sur la compréhension des mécanismes socio-économiques qui expliquent les comportements des utilisateurs. Lorsqu’elle concerne les utilisateurs, cette connaissance provient soit de sources publiques (universités, chambre de commerce et d’industrie,...), soit d’organismes privés externes (conseil en marketing) / internes (recherche en produit). Cette activité de modélisation du comportement du consommateur a un faible pouvoir prédictif qui résulte des limites des sciences sociales en la matière. Le caractère général de ces savoirs est donc limité. En interne, les principes de sciences de gestion et de management qui régissent l’organisation des tâches relatives au développement de nouveaux produits ne sont pas non plus universels. Comme la plupart des problèmes organisationnels les solutions présentent un caractère local marqué (Nelson et Winter [1982]).
Dans le cas des innovations de procédés, les connaissances scientifiques qui interviennent dans leur élaboration ont par contre un caractère universel beaucoup plus marqué. L’essentiel d’entre elles se rattache en effet aux ’sciences dures’ dont le pouvoir prédictif est plus important que celui des sciences humaines. L’usage de ce type de savoir peut donc servir d’outil efficace pour la résolution des problèmes rencontrés dans le cadre des questions sur les moyens à mettre en oeuvre. Dans certains cas néanmoins, l’innovation de procédé prend une dimension sociale plus marquée lorsqu’elle implique des changements organisationnels. La résolution des problèmes liés à ce dernier type d’innovation passerait par la mobilisation du corps des savoirs issus de la recherche en sciences sociales. Nous supposerons cependant que ces innovations organisationnelles sont beaucoup plus rares66.
Dans l’enquête SESSI, 1985-1990 ce type d’innovation est relativement rare. Nous pouvons donc supposer que le recours aux sciences sociales dans le cadre de la résolution des problèmes portant sur les moyens demeure limité. Plus récemment l’apparition du ’reengenering’ et les problèmes humains qu’il a soulevés et rencontrés dans son application illustre bien les limites de toute rationalisation scientifique des moyens de production. Nous devons aussi noter que les innovations organisationnelles apportent souvent des ruptures qualitatives importantes dans le système économique : le taylorisme, le fordisme, la production flexible. Ces changements organisationnels ne se sont cependant pas développés seul. La taylorisme et le fordisme ont été précédés / se sont accompagnés d’une évolution des techniques matérielles de production (standardisation des procédés, sources d’énergies décentralisées, informatique) mais aussi des produits offerts (standards en masse / spécifiques). La distinction que nous établissons est donc très réductrice et ne vaut que dans le court terme.