c. Modélisation des trajectoires technologiques de produits et de procédés

L’idée selon laquelle les innovateurs de produits et de procédés évolueraient le long de trajectoires technologiques différentes a récemment été développée par Klepper [1996] dans un modèle de cycle de vie de l’industrie. Klepper propose cette hypothèse sans véritablement la justifier. Notre travail permet d’y apporter certains éclairages.

L’auteur pose les hypothèses suivantes pour modéliser les comportements d’innovations de produits et de procédés des firmes75 :

P(I prod =1) = Si + g(rdit) ;

avec Si qui représente le niveau de compétences de la firme i et

g() le niveau des opportunités d’innovations de produit tandis que

rdit est le montant de R et D consacré en t par la firme i aux innovations de produit. Seules les dépenses d’innovations de produit présentent un risque.

L’accumulation des connaissances technologiques de produits et de procédés ne se réaliserait donc pas dans les mêmes conditions donnant ainsi potentiellement naissance à des trajectoires technologiques différentes. Selon que les firmes innovent en produits ou en procédés ces trajectoires seraient caractérisées par trois points qui se justifient aisément à l’aide des développements que nous avons proposés tout au long de ce chapitre :

  1. Imitation plus rapide des innovations de produits que de procédés d’un point de vue technique. Cette rapidité d’imitation provient de la mise en oeuvre de l’innovation de produit sur le marché. Ses caractéristiques techniques deviennent alors facilement imitable s’assimilant alors pour les concurrents à de la connaissance factuelle.

  2. Composante firm specific marquée des innovations de produits. Malgré une imitation rapide des caractéristiques techniques du produit, les connaissances sociétales ayant présidé à leur développement et à l’identification du besoin demeurent totalement tacites et surtout redéployables pour le développement de nouveaux objets techniques.

  3. Caractère aléatoire des innovations de produits mais déterministe des innovations de procédés. Compte tenu du caractère tacite des connaissances sociétales qui président au développement des innovations de produits, du nombre et de l’hétérogénéité des agents impliqués dans le processus, un fort degré d’incertitude subsisterait. Il ne serait pas essentiellement lié à la réalisation technique du produit mais plutôt à ses performances commerciales. De plus la faible cumulativité des connaissances techniques relatives aux produits (du fait d’une imitation rapide) s’opposerait à toute accumulation déterministe des connaissances techniques. L’aboutissement des innovations de produits serait donc plus incertain que celui des innovations de procédés qui s’inscriraient dans une dynamique cumulative relativement régulière d’apprentissages par la pratique et par l’utilisation.

Notes
75.

Le cas des comportements innovants de produits & procédés n’est pas explicitement abordé mais les firmes sont implicitement toutes potentiellement innovantes en produits & procédés dans la mesure où elles peuvent toutes à la fois réaliser de la R et D de produits et de procédés.