Méthode d’investigation statistique et principales hypothèses

Nous avons reporté en Annexe une analyse descriptive détaillée des comportements innovants des firmes ainsi que des variables représentant les objectifs de l’innovation technologique dans l’enquête CIS1. Au regard de ces éléments statistiques et du questionnaire, trois contraintes essentielles doivent être prises en considération :

Les questions posées aux firmes dans CIS1 pour identifier leurs questionnements / objectifs technologiques sont nombreuses (10 au total)82. Les hypothèses théoriques au contraire se fondent sur des profils types binaires opposant les questionnements sur les fins et sur les moyens, et les objectifs de réduction de coûts et de gains de parts de marchés.

Les différents questionnements présidant à l’innovation technologique au sein des firmes sont significativement et fortement corrélés les uns aux autres sans pour autant être totalement réductibles les uns aux autres.

Les comportements innovants sont mesurés de manière catégorielle non ordinale à trois modalités: {innovation de produit uniquement ; de procédé uniquement ; de produit & procédé}83. La modalité produits & procédés sert à identifier clairement les firmes qui développent de manière concomitante des innovations de produits et de procédés.

C’est l’existence de ces contraintes et la nécessité de les dépasser qui permet de comprendre pourquoi nous avons décidé de décomposer notre travail empirique en deux étapes complémentaires que nous allons à présent justifier à la fois au regard de la nature des données et de nos objectifs théoriques : une ACP (a) suivie d’une régression logistique multinomiale sur composantes principales (c).

Analyse en composantes principales

La première étape de notre analyse va consister en un changement de repère réalisé à partir des résultats d’une Analyse en Composantes Principales (ACP) sur les réponses des firmes aux questions Q211 à Q226 reportées dans le Tableau 15 préalablement centrées sur les moyennes sectorielles (les Xic). Ce recentrage des données permet d’isoler la composante individuelle des réponses de la composante sectorielle qui nous l’avons vu est très importante84.

Le calcul d’axes factoriels à partir des Xic et l’utilisation des coordonnées des firmes dans ce nouveau repère factoriel85 (Xicf) va quant à lui permettre de résoudre simultanément deux des difficultés évoquées précédemment : celle du nombre élevé de variables explicatives (en nous concentrant sur les principaux axes factoriels), celle de la multicolinéarité puisque par définition les axes factoriels sont tous perpendiculaires.

En outre cette procédure présente l’avantage de ne pas nécessiter le recours à un regroupement a priori des variables ou à l’élimination de certaines d’entre elles selon des présupposés théoriques qui ne sont pas forcément représentatifs de la structure réelle des objectifs des firmes86. L’ACP, au contraire, permet sans a priori (autre que celui de linéarité des relations) de mettre en évidence la structure des principaux questionnements des firmes tels qu’ils émergent des données et de les hiérarchiser.

C’est en aval, lors de l’interprétation des axes factoriels, que les grilles de lectures théoriques retrouvent leur importance : comme aide à l’interprétation mais aussi comme ’idéal théorique’ dont il est utile d’évaluer la cohérence et la capacité d’interprétation vis-à-vis des axes factoriels. La comparaison des axes factoriels ’empiriques’ à ceux suggérés par la théorie devrait ainsi nous permettre de juger du ’réalisme’ des présupposés théoriques.

Régression logistique sur composantes principales

La seconde étape de notre analyse consiste à utiliser les coordonnées des firmes sur les axes factoriels (les Xicf) comme variables indépendantes d’une régression logistique multinomiale dont le principe général est détaillé en Annexe XVI. Nous comparerons les résultats ainsi obtenus à ceux d’analyses plus ’traditionnelles’ fondées sur l’emploi des données brutes et d’un regroupement a priori des variables. Cette seconde phase nous permettra de tester explicitement les hypothèses relatives à l’impact des objectifs (ou questionnements) à l’origine de l’innovation sur le type comportement finalement adopté par les firmes :

‘H0’ ‘: La nature du questionnement (ou objectifs) technologique développés par les firmes agit sur les comportements innovants’.

Si cette hypothèse est acceptée nous pourrons alors nous pencher sur l’identité des axes factoriels qui exercent le plus fort effet discriminant entre les différents types de comportements innovants. Si tant est que l’analyse factorielle ait préalablement permis l’identification d’un ou plusieurs axes factoriels caractéristiques des questionnements sur les fins et sur les moyens nous testerons les deux hypothèses suivantes :

‘H0’ ‘: Les questionnements relatifs aux fins / objectifs d’accroissement des ventes favorisent l’apparition d’innovations de produits plutôt que de procédés’.

‘H0’ ‘: Les questionnements relatifs aux moyens / objectifs de réduction de coûts favorisent l’apparition d’innovations de procédés plutôt que de produits’.

Notes
82.

Dans CIS2 il y a 8 questions.

83.

La question qui va donc être posée est la suivante : Sachant qu’une firme est innovante, pourquoi développe t-elle un type particulier de comportement innovant plutôt que les autres ?

84.

L’appartenance sectorielle agit d’une part sur le niveau des ’opportunités technologiques’ (tableau 77) et d’autre part sur l’intensité et la structure des questionnements des firmes (tableau 82). Il importe donc de ’neutraliser’ cette dimension afin d’éviter que des effets de structure ne perturbent notre analyse (nous parlons d’effet de structure pour désigner l’influence que peut exercer la composition sectorielle de l’échantillon sur une analyse qui se veut micro-économique).

85.

Le repère construit à partir des axes factoriels a pour coordonnées les vecteurs propres de l’ACP : PRIN1, ..., PRIN10 (10 car il y a dix questions relatives aux objectifs de l’innovation technologique).

86.

L’exemple d’un classement respectant scrupuleusement les typologies théoriques est donné dans le tableau 16. En annexe l’exemple d’une typologie moins directement inspirée des théories est proposée.