La nature du questionnement technologique développé par les firmes agit-elle sur leur comportement innovant ?

Considérant le modèle I, pour répondre à cette question il nous faut tester l’hypothèse nulle selon laquelle l’ensemble des coefficients estimés associés aux composantes principales PRIN1, ..., PRIN10 sont égaux à 0103. Réalisant un test de Wald on obtient alors un F( 20 ; 1628) = 13,60 qui conduit au rejet de l’hypothèse nulle avec un risque critique inférieur à 1/10000. Autrement dit, nous ne pouvons pas rejeter l’hypothèse selon laquelle ‘la nature des questionnements technologiques développés par les firmes agit sur leur type de comportement innovant.’ ’

‘Approfondissant cette analyse il est possible de réaliser des tests ’variable par variable (i.e. composante principale par composante principale) tels qu’ils sont reportés dans le Tableau 101. Ces tests mettent en évidence les questionnements qui agissent le plus sur la détermination des comportements innovants. Cinq axes classés par ordre d’importance décroissante sont significatifs au seuil des 5% pour le modèle considéré dans son ensemble :

  • Axe 2 ’la conquête de nouveaux marchés (questions sur les fins)’.

  • Axe 1 ’l’optimisation de la production (questions sur les moyens)’.

  • Axe 6 ’Diversification vs. nouveaux espaces géographiques’.

  • Axe 4 ’ Amélioration des caract. orga. vs méca. du proces. prod.’.

  • Axe 10 ’Réduc. de rebut des produits vs. réduc. des conso. de mat.’.

Comme l’indique le classement proposé, ces variables n’exerceraient pas toutes le même impact. Des tests de Wald effectués entre PRIN2/PRIN1, PRIN1/PRIN6, PRIN6/PRIN4, PRIN4/PRIN10 confirment statistiquement cette idée104 105 de sorte qu’il est possible de proposer la relation d’ordre suivante qui hiérarchise les variables en fonction de leur impact global dans la détermination des comportements innovants :

Tableau 24 : Hiérarchie de l’impact des objectifs / questionnements du changement technologique sur les comportements innovants
Résultat du test PRINx=PRINy → **** *** **** **
Variable (composante principale) → PRIN2 > ; PRIN1 > ; PRIN6 > ; PRIN4 > ; PRIN10
Proportion d’inertie portée par l’axe dans l’ACP → 12% 36% 6% 8% 5%
*: significatif à 10 %, ** à 5%, *** à 1%, **** à 0,1%Source : A partir des résultats obtenus dans le Modèle I, sur les données de CIS1

Cette relation d’ordre est importante. Elle montre en premier lieu que ce sont les deux premiers axes factoriels de l’ACP qui agissent le plus sur les comportements innovants. Il s’agit précisément de deux des trois axes auxquels nous avons pu appliquer une grille de lecture théorique. En second lieu, on constate que sur deux axes caractéristiques des questionnements sur les fins (axe 2 et 3) seul l’axe 2 caractéristique des questionnements / objectifs présentant le plus fort niveau de radicalité exerce un effet globalement significatif au seuil des 5%. Finalement, on observe que la hiérarchie de l’analyse factorielle (en termes d’inertie) n’est pas strictement respectée par la régression logistique comme l’indique la première position de PRIN2 devant PRIN1 (alors que l’inertie portée par PRIN2 représente 1/3 de celle de PRIN1) et de PRIN6 devant PRIN4.

Les questionnements relatifs aux fins induisent-ils plutôt l’apparition d’innovations de produits que d’innovations de procédés ?

Les résultats de l’ACP indiquaient que les composantes principales n°2 (PRIN2) et n°3 (PRIN3) pouvaient être interprétés comme caractéristiques des questionnements relatifs aux fins / objectifs d’accroissement des ventes. Si tel est effectivement le cas les analyses standards et évolutionnistes prédisent que des coordonnées plus élevées sur cet axe doivent induire une augmentation de la probabilité relative d’innovation de produit plutôt que d’innovation de procédé. Pour vérifier si effectivement l ‘es’ ‘ questionnements relatifs aux fins induisent plutôt l’apparition d’innovations de produits que d’innovations de procédés’ il suffit donc de relever les coefficients estimés reportés à l’intersection du vecteur [3] et de la ligne correspondant à PRIN2 et PRIN3 dans le Tableau 21. Le coefficient estimé associé à PRIN2 ([3]PRIN2=0,952****) indique comme espéré un effet significatif et positif des questionnements relatifs aux fins les plus radicaux sur la probabilité d’innover en produit par rapport à celle d’innover en procédés. Bien que beaucoup plus faible, le coefficient estimé associé à PRIN3 ([3]PRIN3=0.187**) est lui aussi positif et significatif. Les questionnements sur les fins plus incrémentaux exerceraient donc aussi un impact positif et significatif sur la probabilité relative d’innover en produits plutôt qu’en procédés.

Cette estimation est cohérente avec l’ensemble des autres résultats dont nous disposons:

  • Dans le modèle IV ce sont bien les variables q211 (Obso), q213 (Gam) qui agissent le plus favorablement sur l’innovation de produit plutôt que sur l’innovation de procédé. On notera toutefois la faible performance de la variable q214 (MktGéo) qui contribue pourtant fortement dans le modèle I à la définition dePRIN2.

  • Dans le modèle VI la variable composite Mkt dont l’interprétation est sans équivoque agit significativement en faveur de l’innovation de produit plutôt qu’en faveur de l’innovation de procédé.

  • Lorsque nous réestimons un modèle similaire au modèle I par quantile de CAHT en 1992 ou par secteur, nous obtenons toujours des coefficients estimés positifs (voir le Tableaux 141, 142).

  • La même analyse reproduite à partir des données de CIS2 renvoie pour [3]PRIN2 et [3]PRIN3 (qui font l’objet des mêmes interprétations) des coefficients estimés significatifs et positifs (voir Tableau 156).

En résumé, concernant les questionnements relatifs aux fins, leur impact semble être particulièrement favorable aux comportements d’innovation de produit plutôt qu’aux comportements d’innovations de procédés. L’examen du vecteur [1] dans le Tableau 21 sur lequel sont reportées les probabilités relatives d’innover en produit plutôt qu’en produit & procédé nous indique aussi que PRIN2 (’Questionnement sur les fins’) agit plus en faveur de l’innovation de produit que de l’innovation de produit & procédé. Sur le vecteur [2] nous observons en revanche que la probabilité relative d’innover en procédés par rapport à celle d’innover en produits & procédés décroît lorsque PRIN2 augmente. Il est donc possible de classer les comportements innovants en fonction de leur sensibilité à PRIN2 : les comportements d’innovation de produit sont effectivement plus sensibles que tout autre comportement innovant à l’intensification des questionnements sur les fins, viennent ensuite les comportements innovants de produits & procédés et finalement de produits.

L’examen des autres composantes principales agissant positivement sur la probabilité relative d’innover en produit plutôt qu’en procédé indique un effet positif fortement significatif de PRIN6 ([3]PRIN6=0.518****)106. PRIN6 oppose les objectifs de diversification par extension de la gamme des produits à ceux de conquête de nouveaux marchés géographiques. Dans les deux cas il s’agit bien du même questionnement sur les fins qui, nous l’avons vérifié sur PRIN2, induit effectivement un biais en faveur de l’innovation de produit par rapport à tout autre type de comportement innovant. Cependant cet axe indique que ces deux types d’objectifs n’exercent pas des effets d’ampleurs comparables : un renforcement de l’objectif d’extension de la gamme des produits par rapport à celui de conquête de nouveaux marchés géographiques favoriserait fortement les comportements d’innovations de produits par rapport à ceux d’innovations de procédés. Comment expliquer ce phénomène ? Alors que la résolution des questions posées par l’objectif d’extension de la gamme des produits ne peut être effectivement atteinte que par le développement de nouveaux produits, la conquête de nouveaux marchés géographiques107 peut tout aussi bien transiter par lancement de nouveaux produits que par des innovations de procédés ayant préalablement entraîné une réduction des coûts qui a été répercutée sur les prix de vente de produits déjà existants. Ce résultat illustre donc des situations dans lesquelles deux types de comportements innovants différents peuvent être développés sur la base d’un même questionnement.

Les questionnements relatifs aux moyens induisent-ils plutôt l’apparition d’innovations de procédés que d’innovations de produits ?

Le Tableau 21 fait état d’un coefficient estimé associé à PRIN1 sur le vecteur [3] significativement différent de zéro et négatif ([3]PRIN1=-0.1551****). Ce résultat nous permet donc de rejeter avec un risque critique inférieur à 1/10000 l’hypothèse nulle et de conclure conformément aux a priori théoriques que des questionnements sur les moyens plus marqués (ou alternativement des objectifs de réduction de coûts plus forts) réduisent la probabilité d’innover en produits plutôt qu’en procédés.

Si ce résultat semble très simple, il n’est pas sans susciter quelques remarques d’ordre empirique et théorique. D’un point de vue purement empirique, on constate que l’impact de PRIN1 sur l’innovation de procédé est en valeur absolue significativement plus faible que celui de PRIN2108. Les questionnements sur les fins et sur les moyens (ou alternativement les objectifs d’accroissement des ventes et de réduction des coûts) n’exerceraient donc pas des effets symétriques sur les comportements d’innovations de produits et de procédés. L’effet favorable pour l’innovation de produit des questionnements sur les fins sur-compenserait largement l’effet négatif des questionnements sur les moyens. Bien que le déséquilibre soit moins marqué lorsqu’on cumule les effets favorables à l’innovation de procédé de PRIN1 et de PRIN4 le même phénomène de déséquilibre favorable à l’innovation de produit s’observe109. Par ailleurs, les estimations faites sur CIS1 pour chaque quantile de CAHT et pour chaque secteur montrent que l’impact de PRIN1 en faveur de l’innovation de procédé plutôt que de produit n’est pas systématique110. Finalement, les résultats fournis par CIS2 remettent clairement en question cette hypothèse puisqu’elle n’y est pas validée111 (on notera cependant que la composition de PRIN1 dans CIS2 est quelque peu différente de celle de PRIN1 dans CIS1).

D’un point de vue plus théorique il est surprenant de constater que PRIN1 n’est pas la principale variable favorable à l’innovation de procédé plutôt que de produit. En effet, PRIN1 est ’concurrencé’ par PRIN4 qui agit aussi significativement ([3]PRIN4=-0.287***) et de manière équivalente112 en faveur des innovations de procédés plutôt que des innovations de produits. PRIN4 oppose les objectifs d’amélioration organique du processus productif (tels que la flexibilité Q221 et la réduction du cycle de conception des produits Q226) aux objectifs de réduction du coût des consommations intermédiaires113. Ces deux types d’objectifs sont déjà bien représentés sur l’axe 1 qui regroupe l’ensemble des questionnements sur les moyens114. Le supplément d’information que nous apporte PRIN4 par rapport à PRIN1 concerne donc l’impact relatif de ces deux groupes d’objectifs. L’impact négatif de PRIN4 sur la probabilité relative d’innover en produit plutôt qu’en procédé signifie que les objectifs d’amélioration organique du processus productif (coordonnées positives sur PRIN4) agissent plus défavorablement sur l’innovation de produit (i.e. favorablement sur l’innovation de procédé) que les objectifs de réduction du coût des consommations intermédiaires (coordonnées négatives sur PRIN4). Ce résultat était difficile à prévoir a priori. Il signifie que l’innovation de procédé n’est pas uniquement et principalement motivée par des objectifs de réduction des coûts mais plutôt par l’amélioration des caractéristiques organiques du processus productif dans une perspective de compétition hors coûts (par la flexibilité en particulier). Cette analyse est amplement confirmée par les résultats des modèles IV et VI. En particulier, le modèle IV sur le vecteur [3] n’associe aucun coefficient significatif115 aux variables directement liées aux coûts (coûts salariaux, coûts des matières, de l’énergie) alors que les variables liées à la recherche d’une plus grande flexibilité (Q221 et Q226) présentent un impact significatif favorable à l’innovation de procédé plutôt qu’à l’innovation de produit116.

Cette analyse est très riche d’enseignements. Elle nous permet de confirmer l’hypothèse selon laquelle dans leur globalité les questionnements relatifs aux moyens (et les objectifs de réduction de coûts) participeraient à l’émergence d’innovations de procédés plutôt que de produits mais aussi de saisir la fragilité de cette relation comme l’indiquent les estimations annexes effectuées par quantile de chiffre d’affaires hors taxes, par secteur et sur CIS2. En tout état de cause les résultats obtenus à partir de CIS1 remettent en question l’idée selon laquelle les objectifs de réduction de coûts stricto sensu sont les principaux facteurs de l’innovation de procédé plutôt que de produit. En effet, les objectifs de réduction de coûts s’intégreraient dans une logique plus générale d’amélioration des performances quantitatives et qualitatives du processus productif ainsi que l’indique PRIN1 et dans laquelle les objectifs de flexibilité et de réduction du cycle de conception des produits seraient privilégiés (PRIN4).

La spécificité des questionnements technologiques des innovateurs de produits & procédés

La littérature économique théorique nous fournit très peu d’indices pour imaginer a priori quelles sont les spécificités du questionnement technologique des firmes innovantes en produits & procédés par rapport aux firmes innovantes en produits uniquement ou procédés uniquement. On pourrait raisonnablement imaginer que les objectifs technologiques des innovateurs de produits & procédés se situent à mi-chemin entre les deux. La seule hypothèse théorique existante pour l’heure est celle de Athey et Schmutzler [1994] pour lesquels la flexibilité constituerait un élément essentiel facteur d’innovations de produits & procédés. Un rapide examen de nos résultats les plus généraux tend à remettre fortement en question une représentation parfaitement intermédiaire des innovateurs de produits & procédés en matière d’objectifs du changement technologique. Nous pouvons par exemple tester sur chaque vecteur ([1], [2] et [3]) l’hypothèse nulle selon laquelle l’ensemble des coefficients estimés associés aux objectifs de l’innovation sont égaux à zéro117. Quel que soit le modèle retenu (I à VI) on observe que l’hypothèse nulle est plus fortement rejetée sur le vecteur [3] que sur le vecteur [2] qui lui-même rejette plus fortement l’hypothèse que le vecteur [1]118. Ceci signifie que les plus fortes différences de sensibilités aux objectifs de l’innovation se localisent entre les innovateurs de produits et de procédés (vecteur [3]) puis entre les innovateurs de procédés et de produits & procédés (vecteur [2]) et finalement entre les innovateurs de produits et les innovateurs de produits & procédés (vecteur [1]). Ces résultats confirment donc l’idée selon laquelle en matière de questionnement technologique les innovateurs de produits et de procédés constituent deux entités polaires (la différence de sensibilité aux objectifs de l’innovation est maximum entre ces deux types d’innovateurs) mais ils soulignent la plus forte proximité des innovateurs de produits & procédés avec les innovateurs de produits plutôt qu’avec les innovateurs de procédés comme l’illustre de manière informelle la Figure 11.

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Figure 11 : Proximités des comportements innovants en termes de questionnement technologique
[Note: Source : A partir des résultats obtenus dans le Modèle I,(Tableau 21) sur les données de CIS1]

Cette proximité plus forte des innovateurs de produits & procédés avec les innovateurs de produits plutôt qu’avec les innovateurs de procédés se retrouve systématiquement dans les tableaux de classification réalisés à partir des résultats des estimations119 : lors de la prédiction des comportements innovants les confusions entre innovateurs de produits et de produits & procédés sont beaucoup plus fréquentes que les confusions entre innovateurs de procédés et de produits & procédés120.

Ce résultat tend à confirmer l’hypothèse communément faite dans les modèles théoriques et amplement commentée dans le chapitre II selon laquelle les questionnements typiques des innovations de produits conduiraient plus facilement au développement concomitant d’innovations de procédés (et donc à l’apparition d’innovations de produits & procédés) que les questionnements caractéristiques des innovations de procédés.

Malgré cette proximité plus importante des innovateurs de produits & procédés avec les innovateurs de produits qu’avec les innovateurs de procédés, des différences de sensibilité significatives existent entre l’ensemble de ces trois types de comportements innovants comme l’indiquent les tests reportés dans la note de bas de page n°118. Une analyse spécifique des questionnements ou objectifs propres aux innovateurs de produits & procédés doit donc être proposée. Pour mener à bien cette étude nous distinguerons trois groupes de variables en fonction de leur impact sur les comportements d’innovation de produits & procédés par rapport aux autres types de comportements innovants :

  • Le premier groupe inclut les variables qui agissent tantôt favorablement, tantôt défavorablement sur l’innovation de produits & procédés en fonction du vecteur considéré [1] ou [2]. Il s’agit des variables auxquelles les innovateurs de produits & procédés présentent une sensibilité intermédiaire entre les innovateurs de produits et de procédés.

  • Le second groupe est formé des variables qui exercent un effet significativement plus important/faible sur les comportements d’innovation de produits & procédés vis-à-vis de l’un uniquement des deux autres types de comportements innovants mais pas des deux à la fois. Cette situation est caractéristique des objectifs / questionnements auxquels les innovateurs de produits & procédés sont aussi sensibles que les innovateurs de produits OU de procédés indiquant par-là de fortes proximités.

  • Le troisième groupe est composé des variables auxquelles les comportements d’innovation de produits & procédés réagissent plus fortement que tout autre type de comportement innovant. Ces variables permettent de mettre en évidence les objectifs technologiques spécifiques aux innovateurs de produits & procédés.

Dans le premier groupe de variables nous classerons PRIN2 (caractéristique des questionnements sur les fins présentant un certain degré de radicalité)121. La sensibilité des comportements d’innovation de produits & procédés aux questionnements sur les fins est en effet intermédiaire entre celle des comportements d’innovation de produit et celle des comportements d’innovation de procédé tout en s’en distinguant significativement dans les deux cas (i.e. les innovateurs de produits & procédés présente une sensibilité significativement inférieure à celle des innovateurs de produits122 mais significativement supérieure à celle des innovateurs de procédés123). Le second groupe de variables est constitué de PRIN4, PRIN6 et PRIN10. Sur PRIN4 (’amélioration des caract. orga. vs méca. du proces. prod.’) la proximité est avec les comportements d’innovations de procédés124 : l’amélioration des caractéristiques organiques du processus productif (flexibilité, réduction du cycle de conception des produits) plutôt que la réduction des consommations intermédiaires favoriserait conjointement le développement de comportements d’innovations de procédés125 et de produits & procédés126 plutôt que d’innovations de produits. En revanche, sur PRIN6 (’Diversification vs. nouveaux espaces géographiques’) la proximité est avec les comportements d’innovations de produits127. Favoriser des objectifs de diversification (extension de la gamme) plutôt que des objectifs de conquête de nouveaux marchés géographiques stimulerait conjointement le développement de comportements d’innovations de produits128 et de produits & procédés129 plutôt que d’innovations de procédés. Finalement l’impact de PRIN10 (’Réduc. de rebut des produits vs. reduc de conso. de mat.’) est aussi très intéressant puisque les comportements d’innovations de produits & procédés semblent plus favorablement affectés par cette variable que les comportements d’innovations de procédés130. La variable PRIN10 oppose principalement deux variables (Q225 ’réduction du taux de rebut des produits’ et Q223 ’diminution des consommations de matériaux) qui par ailleurs contribuent très fortement à la définition de PRIN1. [2]PRIN10 renvoie donc le poids relatif des différents types de questionnements sur les moyens dans l’apparition d’innovations de produits & procédés plutôt que de procédés. Le fait que ce coefficient estimé soit négatif indique qu’un renforcement de l’objectif de ’réduction du taux de rebut des produits’ par rapport à celui de ’diminution des consommations de matériaux’ induit une réduction de la probabilité relative d’innover en procédés plutôt qu’en produits & procédés. Ceci signifie que les innovateurs de produits & procédés se distinguent des innovateurs de procédés par une attention particulière portée sur l’amélioration des performances du processus productif du point de vue de la fiabilité du processus productif plutôt que du point de vue de la réduction du coût des matières.

Finalement, le troisième groupe de variable n’inclut que PRIN1 (’questionnement sur les moyens’). Des coordonnées croissantes sur PRIN1 favoriseraient l’innovation de produits & procédés par rapport à tout autre type de comportement innovant et en particulier par rapport aux comportements d’innovation de procédés131 qui théoriquement devraient être les plus favorablement influencés par cette variable. De fait, les comportements d’innovation de produits & procédés se distingueraient des autres types de comportements innovants (y compris des comportements d’innovation de procédé) par leur sensibilité aux objectifs d’amélioration globale des performances du processus productif. La sensibilité des comportements d’innovations de produits & procédés ne serait donc pas systématiquement intermédiaire entre les sensibilités affichées par les innovateurs de produits et les innovateurs de procédés. La distinction explicite entre trois types de comportements innovants (produits, procédés et produits & procédés) trouve alors tout son sens. En l’occurrence nous constatons que ce sont des objectifs sensés favoriser l’innovation de procédé qui en fait aboutissent à des comportements innovants mixtes de produits & procédés. Ceci signifie que les complémentarités entre les comportements innovants de produits et de procédés sont asymétriques puisque les questionnements typiquement associés aux innovations de procédés stimulent plus l’innovation de produit & procédé que l’innovation de procédé elle-même tandis que les questionnements caractéristiques des innovations de produits exercent bien un effet plus favorable sur les comportements d’innovations de produits que sur ceux d’innovations de produits & procédés.

Par conséquent, mis à part l’objectif de ’conquête de nouveaux marchés’ (PRIN2) auquel les innovateurs de produits & procédés présentent une sensibilité intermédiaire entre celle des innovateurs de produits et des innovateurs de procédés, il est possible d’affirmer que cette sensibilité médiane n’est pas systématique. Dans un premier temps nous avons montré que pour trois types d’objectifs différents (PRIN4, PRIN6, PRIN10) les innovateurs de produits & procédés présentaient une proximité significativement plus marquée avec l’un des deux autres types de comportement innovant (sur ces trois cas de proximité, deux sont avec l’innovation de produit). Finalement, nous avons souligné une forte spécificité à l’innovation de produit & procédé des questionnements sur les moyens (PRIN1).

Bien que partageant avec les innovateurs de produits et de procédés certains de leurs traits les plus caractéristiques, les innovateurs de produits & procédés seraient spécifiquement motivés par des questionnements portant sur l’amélioration des performances globales du processus productif (PRIN1), avec à la différence des innovateurs de procédés une attention particulière accordée à la réduction des rebuts de produits (qui correspond à une forme d’amélioration de la qualité des produits et de la fiabilité du processus productif) plutôt qu’à la déduction des consommations intermédiaires (PRIN10).

Notes
103.

Formellement on teste l’hypothèse nulle suivante : H0 : [1]β1 PRIN1= ...=[1]β10 PRIN10= [2]β1 PRIN1= ...=[2]β10 PRIN10= 0

104.

Si nous considérons deux variables quelconques x et y le test que nous avons effectué est celui de l’égalité des coefficients estimés simultanément dans les deux équations de la régression qui s’écrit :

H0 : [1]x-[1]y=0 ET [2]x-[2]y=0

105.

1/ l’impact de PRIN2 est significativement différent (supérieur) à celui de PRIN2 dans la détermination du type de comportement innovant adopté par les firmes (F(1,1647)=48.01 Prob>F=0.0000),

2/ l’impact de PRIN1 est significativement différent (supérieur) à celui de PRIN6 dans la détermination du type de comportement innovant adopté par les firmes F(2, 1646) = 8.27 / Prob > F = 0.0003),

3/ l’impact de PRIN6 est significativement différent (supérieur) à celui de PRIN4 dans la détermination du type de comportement innovant adopté par les firmes (F(2, 1646) = 15.59 Prob > F = 0.0000),

4/ l’impact de PRIN6 est significativement différent (supérieur) à celui de PRIN4 dans la détermination du type de comportement innovant adopté par les firmes (F(2, 1646) = 3.38 Prob > F = 0.0343).

106.

Dans CIS2 l’axe correspondant à PRIN6 est PRIN7 dont le coefficient estimé [3]PRIN7=0.515**** est étonnament proche de celui de PRIN6 dans CIS1 ce qui appuie les remarques qui vont être faites.

107.

ou de manière plus générale dans CIS2 ’de conquête de nouveaux marchés ou d’accroissement des parts de marchés’.

108.

Sachant que [3]PRIN1<0 et que [3]PRIN2>0 le test de Wald de l’hypothèse nulle H0: [3]PRIN1+[3]PRIN2=0 produit un F(1, 1647) = 79.74 dont la probabilité critique est inférieure à 1/10000. Il est donc possible de rejeter cette hypothèse nulle selon laquelle les valeurs absolues des coefficients associés à [3]PRIN1 et [3]PRIN2 sont égales. Nous concluons donc que la différence observée entre les valeurs absolues des coefficients estimés [3]PRIN1 et [3]PRIN2 est significative.

109.

Le test de l’hypothèse nulle H0 : [3]PRIN1 + [3]PRIN4 = -[3]PRIN2 donne un F( 1, 1647) = 15.41 dont la probabilité critique est de 0.0001. Nous concluons ainsi que la différence observée entre les valeurs absolues des coefficients estimés pour [3]PRIN1+[3]PRIN4 et pour [3]PRIN2 est significative.

110.

Voir tableau 141 et tableau 142

111.

Au contraire, PRIN1 tendrait plutôt à favoriser l’innovation de produit comme l’indique le tableau 156.

112.

Le test de Wald de l’hypothèse nulle [1]PRIN1 - [1]PRIN4 = 0.0 produit un F( 1, 1647) = 1.53 ce qui correspond à un risque critique de 21,6%. Il n’est donc pas possible de conclure à une différence significative entre ces deux coefficients. L’effet positif sur l’innovation de procédé par rapport à l’innovation de produit de PRIN4 n’est pas significativement supérieur à celui de PRIN1.

113.

Consommations d’énergie (Q224) et de matériaux (Q223).

114.

Les quatre variables qui participent le plus à la définition de PRIN4 comptent toutes parmi les plus influentes sur PRIN1.

115.

Si l’on prend comme critère minimum de significativité le seuil des 5%.

116.

La même absence de significativité statistique des variables de coûts stricto sensu se retrouve avec les données de CIS2 comme l’indiquent les coefficients associés à [3]CtW et [3]CtMat dans le modèle IX du tableau 156 alors qu’au contraire [3]Flex qui représente la recherche de flexibilité semble exercer un effet très favorable sur l’innovation de procédé plutôt que de produit.

117.

Le test porte exclusivement sur les variables représentant les objectifs de l’innovation. Cela permet de conserver aux autres variables indépendantes que sont la taille et l’appartenance sectorielle leur rôle de variables contrôle.

118.

Par exemple dans le cas du modèle I sur le vecteur [3] un test de Wald de l’hypothèse nulle H0: [3]PRIN1=[3]PRIN2=...=[3]PRIN9=[3]PRIN10=0 donne un F(10, 1638)=18.26 qui permet de rejeter l’hypothèse nulle avec un risque critique inférieur à 1/10000. Sur le vecteur [2] le test de l’hypothèse nulle H0: [2]PRIN1=[2]PRIN2=...=[2]PRIN9= [2]PRIN10=0 donne un F(10, 1638)=14.54 qui permet aussi de rejeter l’hypothèse nulle avec un risque critique inférieur à 1/10000. Finalement sur le vecteur [1] le test de l’hypothèse nulle H0: [1]PRIN1=[1]PRIN2=...=[1]PRIN9=[1]PRIN10=0 donne un F(10, 1638)=9.08 qui permet là encore de rejeter l’hypothèse nulle avec un risque critique inférieur à 1/10000. Dans les trois cas l’hypothèse de nullité simultanée des coefficients estimés associés aux objectifs de l’innovation est fortement rejetée. On note cependant que la valeur du F obtenue sur le vecteur [3] (18.26) est supérieure à celle obtenue sur le vecteur [2] (14.54) qui elle-même est supérieure à celle du F obtenu sur le vecteur [1]. L’hypothèse nulle est donc plus fortement rejetée sur [3] que sur [2] que sur [1]. Le même phénomène s’observe pour tous les modèles.

119.

Le jugement fondé sur les tableaux de classifications construits à partir des coefficients estimés nous renseigne sur le pouvoir prédictif global des modèles en confondant ce qui revient explicitement aux objectifs de l’innovation de ce qui est imputable aux variables contrôle.

120.

Par exemple le tableau 102 sur la base des résultats du modèle I procède à une classification des observations. On constate que 45% des firmes effectivement innovantes en produits sont confondues avec des firmes innovantes en produits & procédés contre 32% pour les firmes innovantes en procédés. Les mêmes types de résultats sont obtenus pour les modèles innovation à VII.

121.

PRIN3 (qui figure l’objectif de remplacement des produits obsolètes) pourrait aussi être inclus dans ce groupe de variables. Cependant seul [3]PRIN3 est significatif, [1]PRIN3 et [2]PRIN3 ne l’étant pas.

122.

[1]PRIN2=0.209****

123.

[2]PRIN2=-0.744****

124.

[2]PRIN4=0.027

125.

[3]PRIN4=-0.287***

126.

[1]PRIN4=-0.26****

127.

[1]PRIN6=0.023

128.

[3]PRIN6=0.518****

129.

[2]PRIN6=-0.494****

130.

[2]PRIN10=-0.256**

131.

En effet nous avons dans le modèle I : [1]PRIN1=-0.313**** et [2]PRIN1=-0.162****