Section 4 : Conclusion

Conformément à ce que suggèrent les approches évolutionnistes et standards, le but de ce chapitre était de mettre en évidence l’existence de questionnements spécifiques aux innovateurs de produits et de procédés tout en envisageant explicitement le cas des innovations de produits & procédés.

L’exploration empirique de ce sujet s’est fondée sur l’exploitation approfondie de l’enquête CIS1 et plus particulièrement d’un jeu de 10 questions relatives aux objectifs de l’innovation dans l’entreprise. Les données de l’enquête CIS2132 ont aussi été mobilisées mais à titre indicatif compte tenu des doutes qui pèsent sur l’identification des comportements innovants.

Dans un premier temps nous nous sommes interrogés sur la vraisemblance des typologies évolutionnistes et standards au regard de la structuration des données dont nous disposions. Une ACP à partir des données de CIS1133 nous a alors permis de conclure à un certain réalisme des typologies théoriques puisqu’elles permettent avec plus ou moins de succès d’interpréter les trois premiers axes factoriels :

En dehors de ces trois premiers axes factoriels aucun autre axe n’a pu être facilement rattaché aux typologies théoriques. En particulier aucun axe véritablement caractéristique des objectifs de réduction de coûts stricto sensu n’est apparu.

Par ailleurs, contrairement à ce que les approches théoriques auraient pu suggérer, l’obtention de trois axes factoriels et non d’un seul opposant les questionnements sur les moyens aux questionnements sur les fins semble indiquer que les firmes ne procèdent pas par substitution entre ces deux types de questionnements mais qu’elles les explorent de manière relativement indépendante (perpendiculaire).

Dans un second temps, nous avons testé l’impact des différents axes factoriels sur les comportements innovants adoptés par les firmes. Nous avons ainsi pu valider à l’aide d’une régression logistique multinomiale sur composantes principales quatre propositions théoriques essentielles :

Les résultats concernant l’impact des questionnements relatifs aux fins (proposition n°1) peuvent être considérés comme particulièrement robustes. En particulier lorsqu’on considère PRIN2 (axe caractéristique des questionnements sur les fins), ni les différences de tailles entre firmes, ni les spécificités sectorielles, ni même l’emploi de CIS2 ne remettent fortement en cause son effet positif en faveur de l’innovation de produit134. En revanche l’impact des questionnements relatifs aux moyens en faveur de l’innovation de procédé (proposition n°2) semble beaucoup moins robuste135 lorsque nous segmentons les observations par taille ou par secteur et lorsque nous employons les données de CIS2. La spécificité des innovateurs de procédés par rapport aux innovateurs de produits ne se situerait pas tant sur ce premier axe (PRIN1) que sur des axes factoriels secondaires qui traduisent la recherche d’un processus productif plus performant en termes organiques (flexibilité et conception des produits) plutôt qu’en termes de coûts à proprement parler136. En fait, la recherche d’un processus productif plus performant dans sa globalité (ainsi que le représente l’axe factoriel 1) ne serait pas le trait distinctif des innovateurs de procédés mais plutôt celui des innovateurs de produits & procédés (proposition n°4). Ce dernier résultat semble très robuste dans la mesure en particulier où ni les différences de tailles entre firmes, ni les spécificités sectorielles, ni même l’emploi de CIS2 ne permettent de le réfuter. En outre, malgré une proximité marquée des innovateurs de produits & procédés avec les innovateurs de produits qu’avec les innovateurs de procédés (proposition n°3), ce résultat trahirait l’existence de complémentarités plus fortes allant des questionnements sur les moyens vers l’innovation de produit (et donc l’innovation de produit & procédé) que de complémentarités inverses allant de questionnements sur les fins vers l’innovation de procédé (et donc vers l’innovation de produit & procédé).

Nous avons souligné dans ce chapitre la proximité des prémices théoriques évolutionnistes et standards pour l’étude des innovations de produits et de procédés. Nous avons ainsi pu employer indifféremment les expressions questionnement sur les moyens et objectif de réduction de coûts et questionnement sur les fins et objectif d’accroissement des ventes. Derrière ces différences sémantiques se cachent néanmoins des perspectives très différentes qui se manifestent immédiatement lorsque nous cherchons à comprendre pourquoi un questionnement (objectif) particulier a été privilégié par rapport aux autres. Dans une perspective standard c’est l’existence d’incitations économiques spécifiques induisant une valorisation économique supérieure de certains objectifs qui explique leur adoption et finalement l’apparition des comportements innovants correspondants sans que soit explicitement abordée la question des capacités de la firme à effectivement atteindre ses objectifs. L’approche évolutionniste quant à elle à travers le terme ’questionnement’ nous renvoie aux processus de résolution de problèmes qui permettent d’apporter des réponses aux questions posées. C’est la détention préalable ou la capacités de la firme à développer des connaissances nécessaires à la résolution du problème qui vont alors expliquer son orientation vers un type de questionnement particulier. Adoptant désormais une approche exclusivement évolutionniste la seconde étape de notre travail consistera à mettre en évidence les compétences ou plus largement les connaissances spécifiques qui sont susceptibles de caractériser la résolution des questionnements sur les fins (associés aux innovations de produits) et des questionnements sur les moyens (associés aux innovations de procédés).

Notes
132.

voir annexe XXI.

133.

Les résultats obtenus avec CIS1 en matière d’analyse en composantes principales ont été ’confirmés’ par CIS2 (voir annexe XXI).

134.

voir annexe XX et annexe XXI

135.

Cette difficulté se retrouve aussi lorsqu’on emploie des données brutes plutôt que des composantes principales.

136.

Ceci est parfaitement bien illustré par le coefficient estimé négatif associé à [3]PRIN4 ’Amélioration des caract. orga. vs méca. du proces. prod.’ dans letableau 21.