c. Hypothèses relatives aux capacités absorptives

Les compétences permettant aux firmes d’absorber et de développer de nouvelles connaissances technologiques susceptibles d’aboutir à des comportements innovants peuvent être caractérisées par leur niveau, leur variété et le degré de qualification des personnels employés. L’approche la plus répandue consiste à s’interroger sur le niveau des capacités absorptives des firmes. Ce niveau est habituellement mesuré par les dépenses de RD des firmes ou plus simplement par les réponses des firmes à des questions relatives la place des connaissances en provenance des services de R et D et d’études internes à l’entreprise dans le développement des innovations. Cette variable sera notée RD. Compte tenu du rôle particulièrement important des connaissances externes pour le développement des innovations de produits et des innovations de produits & procédés, nous faisons l’hypothèse que le niveau des capacités absorptives des firmes (des compétences pour la réalisation de recherches internes) agit essentiellement en faveur des innovations de produits et des innovations de produits & procédés plutôt que des innovations de procédés.

Une seconde vision des capacités absorptives proposée par Cohen et Levinthal [1990] se penche sur la capacité des firmes à surmonter les tensions qui se manifestent entre d’une part la nécessité de construire un langage commun pour faciliter la circulation des connaissances au sein de l’entreprise (et ainsi mieux exploiter les opportunités internes) et d’autre part la nécessité de préserver l’hétérogénéité des perspectives individuelles (afin d’élargir le spectre des opportunités perceptibles dans l’environnement extérieur à l’entreprise). Nous ferons l’hypothèse que les firmes plus compétentes pour la stimulation de comportements innovants individuels (fondés sur l’exploitation de l’hétérogénéité des perspectives (HET)) que pour l’établissement de codes communs (HOM) développent plus fréquemment des innovations de produits que de procédés. La spécificité des innovateurs de produits & procédés résiderait dans leur aptitude à surmonter ce dilemme par une augmentation du niveau de qualification des employés impliqués dans le processus innovant. De fait une troisième hypothèse porterait sur l’impact du niveau de qualification sur les comportements innovants : l’augmentation des qualifications se traduirait essentiellement par une gestion plus efficace du trade-off inward vs. outward looking et donc par le développement d’innovations de produits & procédés plutôt que d’innovations de produits et d’innovations de procédés.

Tableau 26 : L’impact des compétences sur les comportements innovants : principales hypothèses
Effet attendu sur (1) :
Dénomination de la variable P(Iprod /
Iprodoc)
[1]
P(Iproc /
Iprodoc)
[2]
P(Iprod /
Iproc)
[3]
Compétences d’interface externe Cx
Fournisseurs (tous confondus) FSR - + -
Fournisseurs d’équipements FSReq - + -
Fournisseurs de composants et matériaux FSRmat ? ? ?
Utilisateurs USR = - +
Concurrents COMP = - +
Institutions scientifiques SCI - - ?
Coopération COOP = - +
Compétences d’interface interne Cn
Polarisation marketing plutôt que production MK-F = = +
Compétences d’absorption Cp
Recherche développement interne RD - - +
Hétérogénéité (HET) vs. création d’un langage commun (HOM) HET-HOM = = +
Homogénéité (HOM) HOM = = -
Recrutement d’employés qualifiés pour innover QUAL - - ?
Proportion de cadres par rapport à la proportion d’ouvriers (qualifiés et non qualifiés) dans l’effectif total de la firme Cad_Ouv - - ?
(1)[1] : probabilité relative d’innover en produits plutôt qu’en produits & procédés ; [2] : probabilité relative d’innover en procédés plutôt qu’en produits & procédés ; [3] : probabilité relative d’innover en produits plutôt qu’en procédés.