Un espace des états discrets

La majorité des études économétriques longitudinales définissent les comportements innovants à l’aide de variables quantitatives continues qui mesurent des intensités162 ou plus rarement des états binaires (innove/innove pas). En raison de la nature des données et des modèles utilisés163, ces travaux apportent des éclairages importants sur le caractère cumulatif (via l’introduction de termes autorégressifs), et ’firm specific’ du progrès technologique (via l’adjonction de variables explicatives micro-économiques, d’effets fixes ou aléatoires individuels) mais ne parviennent pas à rendre compte de sa dimension locale.

L’utilisation d’un espace des états discrets bidimensionnels produits – procédés permet de surmonter ce problème et de considérer explicitement le caractère qualitatif et local du progrès technologique. Cet espace produit - procédé est dans une certaine mesure comparable à l’espace capital – travail habituellement utilisé pour modéliser le changement technologique localisé à la différence près que nos repères sont discrets (0/1) (Antonelli [1995]164). Des proximités existent aussi avec les développements théoriques récents Pakes et Ericson [1990], Ericson et Pakes [1995], Vega-Redondo [1999] qui emploient la théorie des graphes orientés pour modéliser la dimension locale du changement technologique.

Notes
162.

On peut principalement mentionner les dépenses RD, le nombre de brevets déposés, le chiffre d’affaires innovant, le temps d’attente entre deux innovations, la continuité du comportement innovant (définie en nombre d’années), ...

163.

Le plus souvent des modèles de séries chronologiques, de données de panel ou de survie.

164.

Ces deux repères ne sont vraisemblablement pas orthogonaux. Un lien existe certainement entre d’une part le capital et l’innovation de procédé et d’autre part le travail et l’innovation de produit Des travaux récents en économie du travail tendent effectivement à montrer l’existence d’un biais des innovations de produits en faveur du travail. Nous n’explorerons pas plus cette question qui renvoie au débat plus large des années 60 sur le biais du progrès technologique. Sur ce sujet nous renvoyons en particulier à l’article de Duguet et Greenan [1997].