§ 3. Estimation et caractéristiques de la matrice de transition obtenue par appariement des enquêtes CIS1 et Compétence

a. Principales caractéristiques de la matrice de transition

L’ensemble des informations disponibles issues de l’appariement des enquêtes CIS1 et Compétences pour l’étude de l’évolution des comportements innovants entre ces deux périodes est synthétisé dans le Tableau 45 ci-dessous. La valeur du Chi² de Pearson associé à ce tableau de contingence est de 207,64. Ceci nous permet de rejeter avec un risque critique inférieur à 0.0001 l’hypothèse nulle selon laquelle il n’existe pas de relation entre le type de comportement innovant adopté sur la période 1990-92 et celui adopté entre 1994-96.

Tableau 45 : Tableau croisé retraçant l’évolution des comportements innovants entre 1990-92 et 1994-96
Comportement innovant en 1994-96
dans l’enquête Compétence
Non-innovation Produit Procédé Produit & procédé Total
Comportement innovant en 1990-92
dans l’enquête CIS1
Non-innovation 168 (1) 36 39 59 302
301,16 (2) 39,46 55,75 55,60 451,98
39,32 (3) 5,15 7,28 7,26 59,01
66,63 (4) 8,73 12,34 12,3
79,28 (5) 39,19 48,38 32,67
Produit 23 31 2 47 103
23,57 28,54 4,77 27,43 84,31
3,08 3,73 0,62 3,58 11,01
27,96 33,85 5,66 32,53
6,21 28,35 4,14 16,12
Procédé 23 4 17 20 64
28,77 4,19 30,31 18,23 81,51
3,76 0,55 3,96 2,38 10,64
35,3 5,15 37,19 22,37
7,57 4,17 26,3 10,71
Produit & procédé 28 42 22 205 297
26,37 28,48 24,39 68,92 148,18
3,44 3,72 3,19 9 19,34
17,8 19,22 16,47 46,52
6,94 28,29 21,17 40,5
242 113 80 331 766
379,87 100,68 115,23 170,20 766
49,59 13,14 15,04 22,22 100
(1) Effectif observé brut ; (2) Effectif observé après redressement ; (3) Pourcentage du total après redressement ; (4) Pourcentage ligne après redressement ; (5) Pourcentage colonne après redressement.
NB. : le redressement a été réalisé à l’aide d’un coefficient de redressement inter-normalisé.
Nous reportons en Annexe XXXIII les résultats pour les croisements effectués à partir des autres enquêtes disponibles (Innovation 1990, Yale2 et CIS2)
Source : Appariement des enquêtes CIS1 et Compétence du SESSI.

La matrice de transition correspondante est reportée dans le Tableau 46 ci-dessous. Nous constatons alors que tous les états sont ergodiques (i.e. transitoires et apériodiques) et que le processus n’est formé que d’une seule classe d’états ergodiques. Il est donc possible de calculer la loi stable du processus et le temps moyen de premier retour dans chacun des états de la chaîne de Markov. Cette première approche confirme l’a priori exprimé dans le §1 de cette section selon lequel le type de comportement innovant adopté par les firmes suivait un processus markovien tout à fait classique d’un point de vue mathématique qui tend vers une loi stable.

Tableau 46 : Matrice de transition des comportements innovants entre 1990-92 et 1994-96
1994-96 Compétence
Non-innovant Produit Procédé Produit & procédé
1990-92CIS1 Non-innovant 0,666 0,087 0,123 0,123
Produit 0,280 0,339 0,057 0,325
Procédé 0,353 0,052 0,372 0,224
Produit & procédé 0,178 0,192 0,165 0,465
Loi stable 0,434 0,145 0,166 0,257
Espérance de 1 er retour 2,304 6,901 6,033 3,887
Source : A partir du Tableau 45

L’élément le plus frappant qui ressort lors de l’examen du Tableau 45 et du Tableau 46 est le fait que les effectifs (probabilités) maximum se concentrent le long de la première diagonale. Nous retrouvons le phénomène souvent évoqué dans la littérature sur les matrices de transition sous l’appellation de modèles ’mover-stayer’ (Singer et Spilerman [1979]). Dans notre cas cela signifie que les comportements innovants présentent globalement une forte stabilité. Sur l’ensemble de la population étudiée 56% des firmes ne modifient pas leur comportement entre les périodes 1990-92 et 1994-96. Ce phénomène est particulièrement net chez les firmes non-innovantes (66% d’entre elles restent non-innovantes sur les deux périodes) et pour les firmes initialement innovantes en produits & procédés dont 46% restent innovantes en produits & procédés sur les deux périodes. Par ailleurs, les firmes initialement innovantes en produits présentent près de 9,42 fois plus de chances208 de continuer à innover en produits que celles initialement innovantes en procédés, 5,34 fois plus de chances que celles non-innovantes et 2,15 fois plus de chances que celles innovantes en produits & procédés. Dans tous les cas l’hypothèse nulle selon laquelle ces différentes sous-populations auraient les mêmes probabilités d’innovation de produits est fortement rejetée (au seuil de 0.001 à chaque fois). Dans le cas des innovateurs de procédés209 et de produits & procédés210 le même phénomène s’observe (il est systématiquement significatif). La dépendance des comportements innovants dans le temps est donc nette et se traduit principalement par une tendance affirmée à la reproduction à l’identique des comportements innovants passés.

Notes
208.

Il s’agit d’un ’odd-ratio’ ou ratio de chance. Un odd-ratio ψx ij pour une variable binaire X entre deux populations i et j dont les probabilités respectives de réalisation de l’événement X=1 sont Pi et Pj alors le odd-ratio se calcule comme suit :

ψx ij=(Pi/(1-Pi))/(Pj/(1-Pj)).

Il s’interprète comme un multiplicateur de chance ou de risque (selon les circonstances) entre la population i et la population j.

209.

Ils ont 4,2 fois plus de chance de continuer à innover en procédés que les firmes initialement non-innovantes, 9,86 fois plus que les firmes initialement innovantes en produits, 3 fois plus que celles innovantes en produits & procédés. Dans tous les cas ces différences sont significatives au seuil de 0.001.

210.

Ils ont 6,2 fois plus de chances de continuer à innover en produits & procédés que les firmes initialement non-innovantes (différence significative au seuil de 0.001%), 1,8 fois plus que les firmes initialement innovantes en produits (différence significative au seuil de 0.5), 3 fois plus que les firmes initialement innovantes en procédés (différence significative au seuil de 0.0001).