Conclusion

Ce chapitre avait pour objectif d’étudier l’impact potentiel des compétences associées aux comportements innovants de produits, de procédés et de produits & procédés sur les caractéristiques des trajectoires technologiques suivies par les firmes. La première étape de notre travail a consisté à redéfinir le concept de trajectoire technologique dans une perspective opérationnelle. Nous avons à cet effet mobilisé la théorie des chaînes de Markov et indiqué dans les cas les plus généraux comment pouvaient être estimées les probabilités de transitions associées à ces processus. Après ces développements théoriques nous avons présenté les données sur lesquelles devait reposer notre travail empirique. Des difficultés d’appariement nous ont conduit à limiter notre analyse à un processus de Markov d’ordre 1 entre les périodes 1990-92 et 1994-96. Nous avons alors construit divers indicateurs économiques destinés à mettre en évidence et à comparer le caractère cumulatif, spécifique et irréversible des différentes trajectoires technologiques. Certaines hypothèses ont ainsi pu être confortées même si dans l’ensemble les tests statistiques se sont révélés décevants. En particulier, les trajectoires technologiques initiées par des comportements innovants de produits & procédés présenteraient les plus forts niveaux de persistance (signe de leur caractère cumulatif) devant les trajectoires de produits et finalement celles de procédés. Le degré d’irréversibilité des trajectoires de produits serait nettement plus faible que celui des trajectoires de procédés. Finalement, les niveaux d’entrée et de turbulence seraient maximum le long des trajectoires de procédés et minimum le long des trajectoires de produits & procédés reflétant ainsi la faible spécificité des trajectoires de procédés. En dernier lieu nous avons tenté d’estimer l’impact des compétences sur le caractère cumulatif des trajectoires technologiques et de vérifier sa stabilité entre les différentes populations d’innovateurs. Nous avons alors estimé différents modèles logistiques dichotomiques dans lesquels la variable persistance (PST) figurait comme variable endogène et les compétences occupaient la place de variables exogènes. Conformément aux hypothèses suggérées, les résultats soulignent l’importance capitale des compétences d’interface externes dont l’impact sur les probabilités de persistance est positif et significatif quel que soit le type de comportement innovant initialement développé. On tendrait alors à vérifier l’hypothèse suggérée par Pavitt [1998] selon laquelle les firmes échouent moins souvent par manque de capacités techniques nécessaires pour maîtriser une technologie que par manque des capacités nécessaires à l’établissement d’un système de coordination efficace pour exploiter les opportunités disponibles. Nous ne sommes en revanche pas parvenus à mettre en évidence d’effet aussi net et systématique des capacités absorptives. En ce qui concerne les compétences élémentaires aucune véritable régularité n’a pu être décelée. Seules les compétences d’absorption fondées sur le développement d’une R et D interne exerceraient un impact positif et significatif sur la persistance des comportements innovants de produits et de procédés.

Ces résultats indiquent que même si la nature des compétences agit sur les caractéristiques des trajectoires technologiques cet effet n’est sans doute pas identique en fonction des types de comportements innovants initialement développés par les firmes. Dans la plupart des cas il semble donc particulièrement difficile d’établir une correspondance systématique entre la détention d’une compétence particulière, la nature et les attributs des connaissances technologiques qui leurs sont supposés associés et, finalement, les caractéristiques de la trajectoire technologique (ici leur caractère cumulatif étudié à travers un indicateur de persistance). L’effet des compétences serait en effet largement altéré par leur ’contexte d’application’ ici défini par le type de comportement innovant initialement adopté par les firmes.