ANNEXE XII : La prédiction des comportements innovants à l’aide de la proportion sectorielle de firmes innovantes

La prise en compte (ou plutôt la neutralisation) des spécificités sectorielles dans le comportement des variables économiques se fait souvent à l’aide de modèles à effets variables et à effets fixes (par l’adjonction de variables muettes sectorielles). La plus répandue des deux procédures est la seconde qui consiste à introduire une variable muette par secteur. Cette technique présente cependant deux inconvénients majeurs. Le premier tient à la multiplication du nombre de variables exogènes à introduire dans le modèle (autant que de secteurs moins 1). Le second problème est plutôt d’ordre théorique dans la mesure où les coefficients associés aux variables muettes permettent de mesurer des différences intersectorielles mais pas d’en expliquer l’origine. D’un certain point de vue ces coefficients mesurent l’ampleur de notre ignorance.

Dans notre cas nous avons souligné231 l’existence d’une forte corrélation entre la structure sectorielle des comportements innovants (la variable endogène) et la proportion de firmes innovantes dans ces mêmes secteurs. Autrement dit, il serait possible d’utiliser la variable ’proportion sectorielle de firmes innovantes’ plutôt qu’un ensemble d’indicatrices sectorielles. Le pouvoir explicatif de ce modèle allégé serait moindre mais d’une part son traitement statistique serait plus facile (du fait de la réduction du nombre de variables exogènes) et d’autre part une interprétation économique des résultats serait possible en termes d’intensité des opportunités technologiques sectorielles.

A titre de comparaison entre ces deux méthodes nous reproduisons les résultats obtenus dans un modèle logistique multinomial dont la variable dépendante est le type de comportement innovant adopté par les firmes innovantes. Il prend trois modalités {innovation de produit uniquement, innovation de procédé uniquement, innovation de produit & procédé}. Les variables exogènes sont dans un premier temps un jeu de 23 variables muettes sectorielles et dans un second temps la ’proportion sectorielle de firmes innovantes’ évaluée pour le secteur d’appartenance de chaque firme au niveau de la NAF à deux indices. En résumé nous reproduisons les estimations issues de deux spécifications :

Tableau 86 : Prédiction des comportements innovants à l’aide d’indicatrices sectorielles
*: significatif à 10 %, ** à 5%, *** à 1%, **** à 0,1%
Secteur
NAF P(Iprod/ Iprod&proc) P(Iproc/ Iprod&proc)
Constante -1,85*** 0,29
Autres industries extractives s14 1,346* -0,04
Industrie textile s17 1,372** -0,636**
Industrie de l’habillement et des fourrures s18 2,23**** 0,239
Industrie du cuir et de la chaussure s19 1,438** 0,32
Travail du bois et fabrication d’articles en bois s20 1,26* -0,641*
Industrie du papier et du carton s21 1,246* -1,004***
Edition, imprimerie, reproduction s22 1,127* 0,528*
Cokéfaction, raffinage, industries nucléaires s23 1,334* -1,997****
Industrie chimique s24 1,573** -1,63****
Pharmacie s244 1,412** -1,025***
Industrie du caoutchouc et des plastiques s25 0,859 -1,885****
Fabrication d’autres produits minéraux non métalliques s26 1,528** -0,912***
Métallurgie s27 1,109* -0,243
Travail des métaux s28 1,43** -0,433
Fabrication de machines et équipements s29 1,848*** -1,155****
Fabrication de machines et appareils électriques s31 1,642*** -2,559****
Fabrication d’équipements de radio, télévision et communication s32 1,82*** -0,858**
Fabrication d’instruments médicaux, de précision, d’optique et d’horloge s33 1,707*** -3,169****
Industrie automobile s34 1,688*** -1,161****
Fabrication d’autres matériels de transport s35 1,804*** -0,795**
Aéronaut s353 0,23 -0,912**
Fabrication de meubles ; industries diverses s36 1,298** -1,059****
Nombre d’observations = 1648 firmes innovantes
L0 (Log vraisemblance initiale)=-9648,9373
L1 (Log vraisemblance finale) = -9 032,21
chi2(44) = 1233,45
Prob > ; chi2 = 0.0000
Pseudo R² (1-L1/L0) =0,0639 
NB : le secteur 261 a été retranché afin de permettre l’estimation d’une constante
* : significatif à 10 %, ** à 5%, *** à 1%, **** à 0,1%
Source : CIS1 SESSI
Tableau 87 : Table de prédiction des types de comportements innovants en fonction d’indicatrices sectorielles
Prédiction
Procédé Produit & procédé Total
Observé Produit 39 443 482
  8 92 100
  17 31 29
Procédé 100 256 356
  28 72 100
  43 18 22
Produit & procédé 91 719 810
  11 89 100
  40 51 49
Total 230 1 418 1 648
  14 86 100
  100 100 100
Taux de bonne prédiction : 50%
Source : modèle du tableau 86
Tableau 88 : Prédiction des comportements innovants à l’aide de la proportion sectorielle de firmes innovantes
P(Iprod/ Iprod&proc) P(Iproc/ Iprod&proc)
Constante -0,701**** 1,156****
Proportion de firmes innovantes dans le secteur 0,775* -4,144****
Nombre d’observations: 1648 firmes innovantes
L0 (Log vraisemblance initiale)=-9648,9373
L1 (Log vraisemblance finale)= -9 312,91
chi2(2) =672,06
Prob > ; chi2 = 0.0000
Pseudo R² (1-L1/L0) =0,0348
NB : le secteur 261 a été retranché afin de permettre l’estimation d’une constante
* : significatif à 10 %, ** à 5%, *** à 1%, **** à 0,1%
Source : CIS1 SESSI
Tableau 89 : Table de prédiction des types de comportements innovants en fonction d’indicatrices sectorielles
Prédiction
Procédé Produit & procédé Total
Observé Produit 28,00 454 482
  5,81 94,19 100
  21,71 29,89 29,25
Procédé 49,00 307 356
  13,76 86,24 100
  37,98 20,21 21,6
Produit & procédé 52,00 758 810
  6,42 93,58 100
  40,31 49,90 49,15
Total 129,00 1519 1648
  7,83 92,17 100
  100 100,00 100
Taux de bonne prédiction : 49%
Source : modèle du tableau 88

Au regard des résultats il est clair que l’emploi d’une seule variable plutôt que d’un jeu d’indicatrices sectorielles entraîne une chute importante du gain de vraisemblance (de l’ordre de 46%) mais beaucoup moins forte du pouvoir prédictif du modèle (de l’ordre de 1%). Pour prédire le type de comportement innovant adopté par une firme lorsque le nombre de variables explicatives incorporables dans un modèle est restreint (du fait du trop faible nombre d’observations) et/ou que l’on désire expliciter l’origine de certains phénomènes, il peut donc être avantageux de préférer l’emploi de la variable ’ Proportion de firmes innovantes dans le secteur’ plutôt que d’indicatrices sectorielles.

Tableau 90 : Distribution des comportements innovants en fonction de la taille des firmes dans l’enquête CIS1
Taille Nb. Distribution des firmes innovantes
Quantile (2) Obs.(1) INNO(3) PROD(4) PROC(4) PROD & PROC(4)
1 Petite 64 20,5% 29,2% 38,9% 31,9%
2 28 27,2% 32,9% 30,5% 36,6%
3 7 31,0% 27,0% 34,2% 38,8%
4 11 30,7% 37,7% 25,1% 37,2%
5 Médiane 19 36,5% 42,1% 26,9% 31,0%
6 12 41,7% 38,5% 31,0% 30,5%
7 11 41,4% 30,8% 24,1% 45,1%
8 24 44,4% 35,9% 19,7% 44,4%
9 37 49,5% 23,1% 23,4% 53,5%
10 Grande 259 65,9% 21,7% 13,2% 65,2%
Total 1 648
Proportion dans l’échantillon 43% 31% 25% 44%
Proportions moyennes (moyennes des 10 quantiles) 38,9% 31,9% 26,7% 41,4%
(1) Nb. Obs. : effectif brut de firmes innovantes observées dans chaque classe de taille.
(2) Les quantiles sont définis au niveau sectoriel de la NAF à deux indices. On en a calculé 10 (10*10%) sur la base des Chiffres d’affaires hors taxes en 1992 de l’ensemble des firmes répertoriées dans l’EAE et composant chacun des secteurs pris en compte dans l’étude.
(3) Le pourcentage de firmes innovantes est défini par rapport à l’ensemble des firmes sondées (innovantes + non innovantes).
(4) Les pourcentages de firmes innovantes en produits, procédés et produits & procédés sont uniquement définis par rapport à l’ensemble des firmes innovantes.
Source : CIS1 SESSI EAE 1992
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Figure 28 : Evolution des comportements innovants en fonction de la taille(1) des firmes dans l’enquête CIS1
[Note: (1) La taille est mesurée de manière discrète par le quantile d’appartenance des firmes. Nous distinguons 10 quantiles définis pour chaque secteur de la NAF à deux indices. Le quantile 1 correspond aux 10% de firmes les plus petites ; le quantile 10 aux 10% plus grandes firmes.
Source : CIS1 SESSI, données extraites du tableau 90]
Notes
231.

Voir tableau 78.