2 A la recherche des « conditions d’élaboration » dans une logique compréhensive.

Hormis ces premières considérations et ces premiers éléments qui légitiment la question de recherche, quelle est sa raison d’être fondamentale ? Les définitions et le champ sémantique de la question sont importants, dans la mesure où ils donneront encore plus de précision à son objet.

L’adverbe “comment” ⁹ , préfigurant la question centrale, donne à penser que cette dernière s’oriente sur les manières, les façons de concevoir une aide. Trop proches du principe de causalité induisant le principe de déterminisme, ces termes (manières, façons) portent à confusion. La préférence a donc été donnée au concept de condition et non de cause. Néanmoins, il reste à préciser son acception. Dans le domaine de la logique ¹⁰ , ce terme désigne l’assertion dont dépend une autre, de telle façon que, si la proposition a est vraie (ou fausse), la proposition b l’est également. C’est notamment dans ce sens que l’on évoque une “condition nécessaire et suffisante”. Ici, la condition s’identifie avec la cause, une seule condition bien définie suffisant à entraîner l’existence d’un phénomène.

Lorsque ce terme est utilisé pour une étude, on ne doit pas le confondre avec la cause, dans la mesure où la condition, bien que sa présence soit nécessaire pour que l’effet se produise, n’est pas entièrement déterminante. Claude BERNARD ¹¹ fut un des premiers à utiliser ce terme dans sa méthode expérimentale permettant ainsi à la médecine de sortir de son contexte métaphysique. Il s’agissait pour lui d’étudier non pas les causes des phénomènes mais “leurs conditions de manifestations”. C’est ainsi qu’il apporta une contribution scientifique à la compréhension de la fonction glycogénique du foie, de la digestion pancréatique et de la fonction neuromusculaire.

Plus précisément, dans le cadre de cette recherche, il s’agit d’étudier les modalités de fonctionnement de l’action parentale. Qu’en est-il exactement? Qu’est-ce que l’on connaît de ces premières interactions entre l’enfant et ses parents lors de l’apprentissage de l’acte lexique ? Dans la mesure où les liens entre la famille et l'apprentissage se tissent dans la complexité et non dans la linéarité et la causalité d'événements ou de situations, il est impératif de sortir de la logique explicative (rapport de cause à effet) pour pénétrer dans la logique compréhensive (rapport de sens). Nous nous approchons ainsi de la phénoménologie ¹² (Ed. HUSSERL 1859-1931) dont l'originalité est de privilégier une conception compréhensive des sciences humaines. Faisant référence à Wilhem DITHLEY ¹³ (1933-1911), Alex MUCCHIELLI ¹⁴ indique que "les sciences explicatives subordonnent "un certain domaine phénoménal à un système de causalité au moyen d'un nombre limité d'éléments bien déterminés, c'est à dire de parties constitutives du système. Cette conception caractérise l'idéal scientifique qui résulte en particulier de la physique atomiste..." Au contraire, les sciences humaines doivent utiliser une méthode qui doit décrire un ensemble qui est donné primitivement..." Cette méthode, donc, ne doit pas être explicative ni historique, mais "descriptive" et tenir compte de tous les faits présents. Pour Dilthey, le cadre de référence objectiviste stérilise les sciences humaines" ¹⁵ . Chaque parent aborde donc l'apprentissage de l’acte lexique avec son enfant en tenant compte implicitement de ses attentes par rapport à l'école et à son enfant. En fonction de l'idée qu'il s'en fait, il élabore des actions qui lui sont propres.