3-2-1 Elaborer un cadre théorique fondé sur la compréhension.

a) Construire des idéaux-types.

Pour une meilleure compréhension des représentations de l'apprentissage de la lecture vue par les parents, il est opportun de regrouper en paradigmes sociaux des attitudes particulières et significatives qui convergent vers une même direction. Il faut, comme le souligne Max WEBER, "saisir par interprétation le sens ou l'ensemble significatif visé a) réellement dans un cas particulier (dans une étude historique par exemple) ; b) en moyenne ou approximativement (dans l'étude des masses, par exemple) ; c) à construire scientifiquement (sens "idéaltype") pour dégager le type pur (idéaltype) d'un phénomène se manifestant avec une certaine fréquence"¹¹⁰.

Pour dégager une signification du discours par les prises de position des parents, le "sens idéaltype" a été choisi et mis à contribution. Ainsi, les attitudes ont été classées dans un registre typologique précis. "On obtient un idéal type, dit l'auteur, "en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes isolés, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre, par endroits pas du tout, qu'on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement pour former un tableau de pensée homogène"¹¹¹. Dans le prolongement de l'idéaltype, la typologie éclaircit progressivement certaines de leurs prises de position. Cependant, elle n'est pas là pour enfermer d'une façon définitive tel ou tel discours dans un registre particulier. Elle n'est pas non plus le simple et pur effet de la réalité. Elle est uniquement un point d'ancrage dans le raisonnement et vise à faire rebondir la réflexion. Il ne s'agit pas, non plus, de vouloir "ranger" tel ou tel parent dans un type particulier, mais de donner une intelligence à ces attitudes différentes, qui démasquent plus ou moins des représentations distinctes.

Cette typologie illustre cinq types particuliers. Du fait qu'il existe une pratique sociale autour de l'apprentissage de la lecture, certains parents font confiance au "pouvoir savant" de l'enseignant sans l'altérer. D'autres s'ingénient, au travers des différents conseils prodigués par la maîtresse ou le contexte social ambiant, à apporter un soutien à leur enfant. D'autres encore, amorcent vraiment un apprentissage précoce de la lecture avant l'âge "dit officiel", c'est à dire avant la sixième année de l'enfant - voir la tendance DOMAN, citée plus haut -. Des parents peuvent également s'en remettre au pouvoir enseignant, sans pour cela croire réellement au bien fondé de l'apprentissage de la lecture. Enfin, on peut également imaginer un dernier cas extrême, où il y a absence totale de lecture. Cela signifierait, en quelque sorte, que le monde de l'écrit n'a pas pénétré l'univers mental de la personne. Dans la culture occidentale, cela apparaît impossible. Même si elle ne sait pas lire, son œil est sollicité par des messages écrits. Il suffit d'aller dans la rue pour s'en rendre compte. Dans la mesure où l'écrit envahit l'espace - les tags sur les murs font partie de la trace écrite - il faut être atteint de cécité ou d'un sérieux handicap mental pour ne pas prendre conscience au moins de la trace écrite, sans pour cela lui donner une signification. Même une personne illettrée est capable, en voyant une trace écrite, de dire que c'est de l'écrit, sans pour autant décoder le sens véhiculé par les signes.

Ne tenant pas compte de ce dernier type, signifiant l'absence totale de prise de conscience du monde écrit, quatre types de parents apparaissent. La dénomination arbitraire ("perdant" ¹¹² , "conformiste", "entrepreneur" et "précurseur") met l'accent sur ce qui repère le mieux chaque groupe, ce qui fait sa particularité ou son signe distinctif, lui donnant ainsi, une coloration signifiante