Deuxième partie. Parents-enfant l'apprentissage de l'acte lexique ; la construction d'une relation originale

"Si la lecture est possible, c'est bien parce que le texte n'est pas fermé sur lui-même, mais ouvert sur autre chose ; lire, c'est en toute hypothèse enchaîner un discours nouveau au discours du texte. Cet enchaînement d'un discours à un discours dénonce dans la constitution même du texte, une capacité originelle de reprise qui est son caractère ouvert. L'interprétation est l'aboutissement concret de cet enchaînement et de cette reprise"
Paul RICOEUR.- Du texte à l'action.- Seuil 1986, pp 151-153

L'auteur de cette citation nous invite à une redéfinition de l'acte de lire. Un texte reste par essence ouvert. Il ne faut donc pas déplorer l'interprétation qui en découle mais laisser ouverts toutes les phrases, tous les mots du texte au dialogue s'instaurant entre l'auteur et le lecteur. Comprendre un texte, c'est se l'approprier, c'est à dire enchaîner au discours du texte un discours pourvu de sens pour soi.

A partir du moment où le texte résonne pour soi, il atteint notre sensibilité, notre quotidienneté, nos actions, notre regard sur le monde, pour transformer la résonance des mots en raisonnement. Chaque mot, chaque construction syntaxique seront alors élaborés en fonction de notre propre historicité, pour en élaborer une représentation particulière. La plupart des adultes ont acquis des compétences pour lire. L'enfant, quant à lui, découvre cette capacité propre à l'homme, mais encore faut-il, pour cela, que l'acte de lire ait une place dans sa vie. Quelle sera aussi la représentation de l'acte d'apprendre à lire pour les premiers éducateurs que sont ses parents ?

La relation sociale originale qui se tisse entre parents et enfants est au cœur de cette recherche, au même titre que l'apprentissage de l'acte lexique. Cependant, les contours socioculturels et affectifs de l'une ne doivent occulter les aspects cognitifs de l'autre. Cette seconde partie s'efforcera de donner, autant que possible, tous les éléments utiles à la compréhension de cette relation originale : la médiation parentale.

Pour ce faire, il a été nécessaire, dans un premier moment, de se dégager des ambiguïtés du terme apprendre afin de circonscrire le concept d'apprentissage pour s'interroger sur la dualité de deux modèles théoriques de relation pédagogique que nous allons découvrir.

Au gré des époques et de l'avancée des recherches, l'apprentissage de la lecture, par l'intermédiaire des méthodes, s'est affinée. Il n'en reste pas moins que des oppositions théoriques se sont longtemps affrontées entre les partisans des méthodes dites globales et celles déclarées syllabiques. Il ne s'agit pas ici de prendre parti pour l'une ou l'autre mais de donner des points de repères à cette évolution. Et, si la "guerre" entre les partisans de telle et telle démarche paraît révolue, il n'en demeure pas moins, qu'elle apparaît parfois dans le discours des parents. C'est en ce sens qu'il est intéressant de s'interrogersur ce qui fait leurs contradictions ou leurs complémentarités.

Comme leurs représentations ont déjà fait l'objet de notre part d’une attention toute particulière, celle de l'enfant paraît tout aussi essentielle. En effet, il est également acteur de son propre apprentissage dans la coexistence familiale. Le troisième chapitre, évoquera les représentations de l'apprentissage de la lecture chez des enfants de cinq ans ; elles peuvent conditionner leur réussite ultérieure tout en affinant leur projet de sens. Là, les parents sont les mieux placés pour donner le sens le plus adéquat possible à la question de la lecture. La coexistence médiatrice apparaît comme incontournable entre enfant et parent.

Revenant sur le principe de médiation, qui fait interagir des acteurs, et après avoir montré que l'enseignant(e) peut paraître démunie face à la complexité d'un apprentissage qui ne met pas uniquement en jeux les règles d'un code linguistique, nous donnerons une définition précise de ce que nous entendons pas geste de médiation. Ce sera l'objet du quatrième chapitre de cette partie.