Chapitre 5. Apprendre à lire : des conceptions contradictoires ou complémentaires ?

Nous devons nous interroger maintenant sur l'histoire même de l'enseignement de la lecture, parce que les représentations véhiculées par chacun des partenaires entourant l'enfant sont issues d'une logique historique. Cet apprentissage a ses modes et se rattache à des définitions de la lecture ancrées socialement. Depuis une vingtaine d'années, des travaux tentent de faire émerger une nouvelle approche de la lecture et de son apprentissage, pour que son enseignement ne souffre plus des réductions apportées par les précédentes définitions. De ce fait, ces dernières entraînent des représentations erronées aussi bien chez certains professionnels (instituteurs, professeurs, orthophonistes) que chez les parents eux-mêmes, gênant l'appropriation de ce savoir-faire.

L'apprentissage de la lecture est, à notre connaissance, depuis son origine institutionnalisée. C'est à dire qu'il est l'objet d'intentions pédagogiques cadrées dans un espace-temps privilégié tel que l'école ou le préceptorat. On peut le comprendre puisqu'il s'agissait d'alphabétiser un pays tout entier. Personne sinon les "spécialistes", ne pouvait dispenser ce genre d'enseignement. Dans un contexte socio-historique de rareté des supports, le seul enseignement institutionnel d'alphabétisation a suffi pendant une longue période à donner à une population les éléments de bases de l'écrit. Mais l'information écrite, depuis une cinquantaine d'années, avec les progrès de la technologie, n'arrête pas d'évoluer. De leur côté, les conceptions de l'apprentissage de l'acte lexique ont évolué, ne prenant plus seulement en compte la lecture comme acte de déchiffrement ; elles intègrent l'apprentissage de l'acte lexique dans la complexité. Les supports sont différents et on doit se demander si l'institution scolaire peut, à elle seule, faire découvrir en profondeur tous les modèles d'écrits existants. Parallèlement, la famille devenue entre temps lettrée puis lectrice est sollicitée par les enseignants. Si elle était répétitrice de la leçon de lecture donnée par l'enseignante, elle est devenue aujourd'hui partenaire, en offrant la possibilité à l'enfant de découvrir non seulement le code mais aussi la littérature 163 .

Comme les représentations parentales de l'apprentissage de la lecture sont issues d'un vécu ou de connaissances éparses, il est important de développer les différents aspects de l'apprentissage de la lecture et les axes théoriques qui s'y rattachent. Nous partons d'une conception d'alphabétisation pour arriver à une conception de lecturisation englobant la complexité, parce que lire, aujourd'hui est une activité multiple qui, se référant aux divers aspects de la vie, continue à s'enrichir et à s'apprendre au travers eux. Puisque l'acte lexique suppose la prise en compte de la complexité, "cela suppose une coordination à l'intérieur de l'école, mais aussi avec l'extérieur"164.

Il ne s'agit pas ici d'une approche critique des différentes conceptions des méthodes utilisées dans l'apprentissage de la lecture et de prendre parti pour l'une plus que pour l'autre. Il faut entendre cette description comme un état des lieux qui s'imposait tant sur le point historique que celui de l'argumentation théorique soutenant les différentes conceptions.

Notes
163.

Depuis une vingtaine d'années, les politiques successives ont favorisé les bibliothèques municipales, le financement de B.C.D. et de centres de documentation à l'école et au collège. Les éditeurs, de leur côté, ont conçu de nouveaux titres de mensuels, hebdomadaires pour des tranches d'âge ignorées jusqu'alors (POPI avant 18 mois, YOUPI, WAKOU, BLAIREAU dès 3 ans, TOUPIE dès 2 ans etc.) Dès lors, on peut penser qu'en lançant ce genre de magazines pour les jeunes enfants, ils sont portés par un courant qui se fait de plus en plus croissant.

164.

FOUCAMBER (J.).- La manière d'être lecteur.- Albin Michel, page 158, 2ème édition, 1996.